Bruxelles - Les attentats récents à Londres et Manchester relancent les questions sur l'avenir de la coopération antiterroriste entre l'UE et Londres, mais des experts relativisent l'impact qu'aura le Brexit dans ce domaine où le partage d'informations "ne passe pas par la case Bruxelles".

Au lendemain de l'attentat-suicide dans une salle de concerts de Manchester (nord-est de l'Angleterre), comme de celui de Londres, revendiqués par l'organisation Etat islamique (EI), le nouveau président français Emmanuel Macron a appelé à "renforcer la coopération européenne" contre le terrorisme.

Mais comment celle-ci va-t-elle se poursuivre après le départ programmé des Britanniques de l'UE ? Le sujet sera inévitablement au menu des tractations qui doivent s'ouvrir en juin entre Londres et Bruxelles. 

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Fin mars, au lendemain du déclenchement officiel de la procédure de divorce, le sujet avait déclenché une vive polémique, quand la Première ministre britannique Theresa May avait semblé mettre dans la balance des négociations commerciales à venir la poursuite de la coopération sécuritaire.

"Si nous quittons l'Union européenne sans un accord, par défaut nous serons soumis aux règles de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC). En termes de sécurité, pas d'accord signifierait un affaiblissement de notre coopération dans la lutte contre la criminalité et le terrorisme", avait alors averti Mme May.

"Nous ne voudrons pas accepter de marchander la sécurité par rapport à des questions commerciales", a semblé lui répondre le 17 mai, devant le Parlement européen, le Français Michel Barnier, mandaté pour négocier avec Londres au nom de l'UE.

"On joue à se faire peur"

Après l'attentat de Manchester, "il est possible que le Royaume-Uni soit moins enclin à menacer l'objectif d'une coopération en matière de sécurité, parce qu'il y a des aspects transfrontaliers" dans les premiers éléments de l'enquête, observe Steve Peers, professeur en droit européen à l'Université de l'Essex.

Quoi qu'il en soit, le partage de renseignements dans la lutte antiterroriste "ne se fait pas dans le cadre de l'UE", souligne-t-il.

"On joue un peu à se faire peur sur ce sujet", estime l'eurodéputé français Arnaud Danjean (PPE, droite), qui a travaillé à la DGSE, le service de renseignement extérieur de la France.

"La coopération antiterroriste au niveau européen est le fait des agences nationales, des services de renseignement, sur des bases bilatérales ou trilatérales, mais pas de manière centralisée, ça ne passe pas par la case Bruxelles", argue-t-il, "donc le Brexit là-dessus n'aura pas d'impact".  

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Hommages aux victimes de Manchester sur St Ann's Square le 29 mai 2017, une semaine après l'attentat dans une salle de concerts. Photo: Jon Super/AFP

Pour M. Danjean, les aléas diplomatiques des négociations du Brexit n'y changeront rien.

"En 2003-2004, pendant la crise irakienne, la coopération entre la DGSE et ses homologues américains sur l'antiterrorisme est restée optimale, les canaux sont restés ouverts", rappelle-t-il.

Un expert d'un Etat membre à Bruxelles confirme, sous couvert d'anonymat : "La communauté du renseignement, pour des raisons de souveraineté, ne peut pas s'intégrer dans un cadre communautaire européen, mais elle s'est organisée de longue date" pour partager des informations.

Les services du Royaume-Uni et des autres pays européens échangent donc directement des renseignements, sans passer par une agence européenne dédiée. "C'est une coopération vitale en matière de contre-terrorisme, elle va se poursuivre assez normalement", relève-t-il.

La sortie d'Europol

Le retrait du Royaume-Uni pourrait cependant avoir des répercussions dans des secteurs où l'UE centralise des échanges d'informations en matière de coopération policière ou judiciaire.

"Je pense qu'il y aura forcément un certain degré de réduction de la sécurité", admet Steve Peers, citant les domaines dans lesquels le Royaume-Uni avait choisi d'être partie prenante malgré son statut particulier dans l'UE qui l'autorisait à s'exclure de nombreux dispositifs européens.

Sans être membre de l'espace Schengen, Londres avait par exemple obtenu un accès à des informations de son fichier SIS, qui contient plusieurs dizaines de millions d'entrées. "Normalement, ce n'est pas accessible à un pays tiers, donc je ne sais pas comment on va se débrouiller après le Brexit", note un expert européen ne souhaitant pas être identifié. 

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Le Royaume-Uni participe également au système du mandat d’arrêt européen et il est aussi un contributeur majeur de l'agence Europol, dirigée par le Britannique Rob Wainwright, qui soutient les pays de l'UE dans la lutte contre la grande criminalité internationale et le terrorisme.

"C'est là-dessus que le Brexit peut avoir un impact, dans ces agences ou structures européennes desquelles les Britanniques seront amenés à se retirer, avec des conséquences en termes de ressources et d'articulation pratique", explique l'eurodéputé Arnaud Danjean.

"Mais des pays tiers peuvent avoir des accords avec ces agences, les Américains contribuent à Europol par exemple", nuance-t-il.

Par Cédric Simon

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