Berlin - Malgré l'image "verte" qu'elle cultive à l'étranger, l'Allemagne va manquer ses objectifs climatiques en 2020, et pourrait également échouer en 2030 si elle n'accouche pas rapidement de mesures ambitieuses.

Pourquoi ce pays, aux caisses publiques pleines et à l'électorat attaché aux questions environnementales, peine-t-il à décarboner son économie?

Chères automobiles

Centrale dans la prospérité allemande, l'automobile est à la fois un fleuron industriel à l'export, la source de plus de 800.000 emplois et un moyen de déplacement privilégié.

Le gouvernement allemand, après avoir longtemps ferraillé à Bruxelles pour limiter les normes d'émission imposées à Volkswagen, Daimler ou BMW, demeure réticent à programmer toute sortie des moteurs à combustion préjudiciable à ses constructeurs, malgré le scandale mondial du "dieselgate".

Plus largement, Berlin ménage ouvertement les intérêts des automobilistes. Le gouvernement a saboté l'an dernier les interdictions de circulation pour les vieux diesel prononcées par la justice dans certains centre-villes, en refusant d'adopter un système de vignette pour contrôler les véhicules.

Récemment, le ministère conservateur des Transports a torpillé le projet d'une limitation de vitesse sur les autoroutes allemandes, pourtant porté par sa collègue de l'Environnement pour réduire sans dépenser un sou la pollution et la mortalité routières.

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Classement comparatif des émissions de gaz à effet de serre des pays Européens de 1960 à 2017 selon le Global Carbon Project 

Adieu au nucléaire

La chancelière Angela Merkel a pris en 2011 l'une de ses décisions les plus spectaculaires en programmant l'abandon de l'énergie nucléaire d'ici 2022, dans la foulée de la catastrophe de Fukushima.

Si ce choix a reçu une large approbation, dans un pays doté depuis les années 1970 d'un puissant mouvement antinucléaire, il a bouleversé l'approvisionnement de son économie très gourmande en énergie.

L'Allemagne a certes développé les énergies renouvelables - éolien, solaire, biomasse et hydroélectrique -, passées à 38% de sa consommation d'électricité, et prévoit de porter leur part à 65% d'ici 2030.

Mais leur production est intermittente, leur stockage coûteux et impliquant une grande déperdition, et il faut les transporter du Nord balayé par les vents et semé d'éoliennes jusqu'au Sud-Ouest, centre de gravité de l'économie allemande.

Le pays doit donc importer du gaz russe et n'a pu réduire pendant des années sa dépendance au charbon, énergie bon marché et très polluante, rasant des villages entiers pour agrandir ses vastes mines de lignite à ciel ouvert.

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Comparatif des émissions de gaz à effet de serre par personne, en tonnes équivalent CO2, dans les pays de l'UE depuis 1960 selon Global Carbon Atlas 

Charbon politiquement miné

Après des mois de consultation, Berlin a décidé en début d'année de sortir du charbon avant 2038, et doit désormais programmer la fermeture des mines et des centrales, ainsi que la reconversion des zones minières.

Or même si le gouvernement a décidé la semaine dernière de débloquer 40 milliards d'euros pour soutenir les quatre Etats-régions concernés, la tâche s'annonce socialement et politiquement explosive.

Certes, l'industrie du charbon - mines et centrales, houille et lignite confondus - a vu ses effectifs fondre de près de 100.000 postes depuis 2000 et ne représentait plus que 30.000 emplois en 2016, cinq fois moins que le secteur éolien, selon le site spécialisé Strom Report.

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Répartition par type d'énergie (pétrole, gaz, charbon, renouvelables) de la consommation intérieure brute dans les pays de l'Union européenne en 2016 selon les données d'Eurostat 

Mais ces postes sont concentrés dans des régions déjà frappées par le déclin de la sidérurgie rhénane, à l'Ouest, ou par l'effondrement de l'industrie est-allemande, non loin de la frontière polonaise.

En ex-RDA, le bassin minier est de surcroît devenu un bastion de l'extrême droite: dimanche soir, le parti Alternative pour l'Allemagne (AfD) est arrivé en tête dans le Brandebourg et la Saxe, où se tiendront en septembre des élections régionales périlleuses pour le gouvernement Merkel.

Par Coralie Febvre

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