Bruxelles - Le pacte migratoire entre l'UE et la Turquie, qu'Ankara menace de "réexaminer", a été conclu il y a un an à Bruxelles pour faire cesser l'arrivée quotidienne de milliers de migrants par bateau sur les îles grecques en mer Égée.

Cet accord controversé conclu en pleine crise migratoire, qui prévoit le renvoi systématique de tous les migrants vers la Turquie, y compris les demandeurs d'asile, a permis de réduire drastiquement les arrivées en Grèce.

Sur fond de crise diplomatique avec plusieurs capitales européennes, le ministre turc des Affaires européennes Omer Celik a menacé lundi de dénoncer un chapitre mineur de cet accord, laissant entendre qu'il pouvait rouvrir aux migrants les "passages terrestres" entre la Turquie et l'UE, à la frontière grecque et bulgare.

 

Renvois systématiques

Depuis le 20 mars 2016, les autorités grecques ont, en coopération avec la Turquie, immédiatement placé dans des centres les migrants qui arrivaient sur leurs côtes. Là, elles leur notifiaient leur renvoi vers la Turquie.

Fin février, près de 1.500 migrants et demandeurs d'asile déboutés avaient ainsi été ramenés en Turquie.

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 Routes migratoires clandestines possibles et incertaines, après la fermeture de fait de la route classique des Balkans.

Cette mesure "temporaire et extraordinaire" vise à "démanteler le modèle économique des passeurs et d'offrir aux migrants une perspective autre que celle de risquer leur vie" en mer Égée, selon le texte de l'accord conclu le 18 mars 2016.

Et de fait, alors que près de 200.000 migrants avaient gagné les îles grecques entre décembre 2015 et fin février 2016, ils n'étaient que 3.500 sur la même période un an plus tard.

L'effet dissuasif de l'accord a joué, mais il semblerait surtout que cette baisse drastique soit due à l'intensification, par Ankara, de la lutte contre les passeurs qui opéraient jusqu'alors ouvertement aux départs de ses côtes.

Depuis un an, 70 personnes sont mortes ou disparues alors qu'elles traversaient la mer Égée, contre quelque 1.100 décès pendant l'année précédente, selon la Commission européenne.

 

Les contreparties

Le pacte prévoit plusieurs contreparties. L'Union européenne s'engageait ainsi à accueillir, directement depuis la Turquie, autant de demandeurs d'asile syriens que de personnes renvoyées sur son sol. De fait, elle est allée plus loin. Fin février, neuf pays de l'UE avaient ainsi accepté d'accueillir 3.565 réfugiés.

Une aide financière de trois milliards d'euros, un montant renouvelable une fois qu'il sera épuisé, a également été promis à Ankara. 750 millions d'euros ont déjà été versés pour des projets visant à améliorer le quotidien des réfugiés en Turquie et de soutien aux populations qui les accueillent.

Par ailleurs, les pays membres de l'UE ont accepté d'ouvrir de nouveaux chapitres dans leurs négociations d'adhésion avec la Turquie, dont deux (sur les politiques économiques et monétaires et sur les questions budgétaires) l'ont été en décembre 2015.

En revanche, la Commission européenne n'a toujours pas donné son feu vert à la libéralisation des visas pour les séjours courts de citoyens turcs dans l'UE, estimant que les conditions n'étaient pas remplies. La législation antiterroriste turque, jugée liberticide, n'est pas acceptable aux yeux de Bruxelles.

 

Les passages terrestres

Le pacte migratoire prévoit également que la Turquie "prenne toutes les mesures nécessaires pour éviter que de nouvelles routes de migration irrégulière - maritimes ou terrestres - ne s'ouvrent au départ de son territoire en direction de l'UE, et coopérera avec les États voisins ainsi qu'avec l'UE à cet effet".

Selon la Commission européenne, les passages de la frontière terrestre ont été "faibles" depuis six mois: en moyenne huit par jour sur la frontière gréco-turque, et cinq par jour sur la frontière turco-bulgare.

Des clôtures métalliques s'élèvent le long de chacune de ces frontières, sans les couvrir en totalité.

 

Menaces répétées

Au gré des différends avec Bruxelles, sur les visas, la liberté d'expression ou la purge engagée après le coup d’État avorté du 15 juillet 2016, les dirigeants turcs ont averti à plusieurs reprises qu'ils feraient capoter l'accord migratoire, mais sans mettre leurs menaces à exécution.

Très vite après la conclusion de l'accord, le président turc Recep Tayyip Erdogan avait menacé de le dénoncer s'il n'obtenait pas une libéralisation des visas --cruciale aux yeux de l'opinion publique turque désireuse de voyager plus facilement dans l'UE-- avant octobre 2016.

Cette date butoir a finalement été dépassée sans mesure de rétorsion particulière d'Ankara.

Par Alix Rijckaert

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