Paris -  Avec la conquête de plusieurs grandes villes dimanche 28 juin, les écologistes confirment leur place prépondérante au sein de la gauche française, une recomposition du paysage politique déjà à l'oeuvre dans certains pays européens.

Jamais la France ne s'était réveillée avec de grandes villes gouvernées par des "verts" après ce scrutin marqué par une très forte abstention.

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L'abstention au 2e tour en France métropolitaine lors des 5 derniers scrutins municipaux 

Ce sera le cas dans les prochains jours, à Lyon, Bordeaux, Strasbourg tandis que la très écolo-compatible Anne Hidalgo a été triomphalement réélue à Paris.

Longtemps vassal des socialistes, le parti écologiste français (EELV) a désormais inversé les rôles. Une tendance déjà observée aux élections européennes en 2019 où ils avaient obtenu deux fois plus de voix que la liste sociale-démocrate.

"On assiste à un renversement des forces: le plus faible est devenu le plus fort. Cela tient à une erreur stratégique considérable du PS français qui n'a pas pris assez au sérieux le problème de l'environnement, il l'a toujours sous-traité", explique à l'AFP Daniel Boy, directeur de recherche à Sciences Po et spécialiste de l'écologie politique.

Le socialisme français est-il en passe d'être dévoré par les écologistes? Pas si vite, nuancent les analystes.

"Ils viennent d'obtenir d'excellents résultats à une élection locale, ce n'est pas une démonstration absolue qu'ils sont dominants à tous les échelons", estime M. Boy.

"Dans une élection nationale, ça ne sert à rien de remporter des grandes villes si vous n'avez pas tout le reste du territoire", prévient Chloé Morin, politologue associée à la Fondation Jean-Jaurès.

Et les Verts n'ont pas gagné seuls: partout, ils se sont imposés grâce à des alliances.

Depuis le déclin des communistes industrialistes, "il n'y a plus vraiment de conflit sur la question environnementale entre les différentes formations de gauche. Cela leur permet de se mettre d'accord sur un thème qui est, de plus, consensuel dans leur électorat", assure le président de l'institut de sondage PollingVox, Jérôme Sainte-Marie.

Forts dans les villes

Dimanche, les résultats dans les grandes villes françaises ont confirmé une tendance d'un vote écologiste fort dans les villes.

"L'électorat écologiste reste limité malgré tout à des catégories supérieures, de milieux urbains", des populations donc minoritaires à l'échelle nationale, souligne Daniel Boy. "Il a du mal à s'étendre au-delà", ajoute t-il.

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Carte de France donnant la couleur politique des villes de plus de 100 000 habitants 

Cette tendance d'une écologie en position de force dans les métropoles, se retrouve également hors des frontières françaises.

Aux Pays-Bas, en 2017, le parti écologiste GroenLinks a devancé aux législatives les travaillistes (centre gauche) et s'est retrouvé au coude à coude avec les socialistes, deux formations historiques de la gauche néerlandaise. Ils ont par ailleurs pris les deux plus grandes villes du pays, Amsterdam et Utrecht, aux municipales de 2018.

Même constat en Islande, où les écologistes ont pris le pas sur la social-démocratie traditionnelle, avec là aussi de fortes percées en ville, dans la capitale Reykjavik.

En Allemagne, le parti social-démocrate (SPD), longtemps principale force politique à gauche s'effondre et voit les Verts les dépasser les intentions de vote pour les élections fédérales de 2021.

Conséquence directe: les sociaux-démocrates ont verdi leur discours, au risque de fâcher leur électorat ouvrier historique.

Ils ont par exemple renoncé à défendre une prime à la casse pour les voitures diesel et essence, une demande des verts qui souhaitent la réserver aux voitures électriques.

Le camp conservateur n'est pas non plus insensible aux sirènes écologistes et ne semble pas hostile à une coalition au niveau national, à l'image du voisin autrichien.

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Le chancelier autrichien Sebastian Kurz et le vice-chancelier Werner Kogler (Verts) lors du premier conseil des ministres du nouveau gouvernement de coalition. Photo: Alex Halada/FP

Cette variété illustre le caractère pluriel de la cause écologique en Europe, et explique la difficulté d'unir le mouvement au niveau européen.

Hors de France, "il ne faut pas nécessairement voir les partis verts comme des partis de gauche. En Allemagne par exemple il y a plusieurs courants, en France, il y a une tendance plus forte vers la gauche", note Sophie Pornschlegel, analyste politique pour le think-tank European Policy Centre, basé à Bruxelles.

Pour preuve, dans l'Hexagone, les tentatives de faire de l'écologie politique au centre ont toutes échoué.

par Pierre Donadieu avec les bureaux européens de l'AFP

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