Paris - Ces dernières années, trois votes emblématiques du Parlement européen ont mis en lumière, au-delà des clivages partisans, une fracture entre l'Europe de l'Ouest et certains pays de l'Est sur des sujets sociaux ou sociétaux.

- Répartition des migrants -

Le 17 septembre 2015, alors que l'Europe est confrontée à un afflux de migrants, les eurodéputés approuvent une proposition de la Commission européenne de répartir de manière obligatoire vers les autres pays de l'Union européenne (UE) 120.000 réfugiés se trouvant en Italie, en Grèce et en Hongrie.

La proposition est votée à une large majorité (371 pour, 124 contre, 55 abstentions) par les eurodéputés, dont l'avis n'est que consultatif.

Au sein des groupes socialiste (S&D), populaire (PPE) et libéral (ADLE), qui approuvent largement la proposition, des lignes de fractures nationales apparaissent. Parmi les 70 eurodéputés qui votent contre ou s'abstiennent dans leurs rangs, 61 viennent de six pays de l'Est: ceux du groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, Tchéquie, Slovaquie), la Roumanie et la Lettonie.

Le 22 septembre, malgré l'opposition de Budapest, Prague, Bratislava et Bucarest (Varsovie et Riga n’adoptant pas la même position que leurs eurodéputés), les Etats membres adopteront au forceps une répartition légèrement modifiée par rapport à la proposition initiale de la Commission.

Homogènes sur le plan ethnique et religieux, marqués par leur tradition chrétienne et leur passé de satellites de l'URSS isolés du reste du monde, les pays de l'Est opposés aux relocalisations craignaient notamment qu'une vague de réfugiés musulmans ne les exposât à une "menace terroriste", analysait à l'époque l'Institut polonais des affaires internationales (PISM).

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Répartition du vote des députés européens par pays sur 4 sujets emblématiques de la fracture Est/Ouest lors de la mandature en cours 

- Procédure contre la Hongrie -

Le 12 septembre 2018, par un vote inédit, le Parlement européen active une procédure à l'encontre de la Hongrie de Viktor Orban, à qui il est reproché de bafouer les valeurs de l'Union dans la presse, à l'université, contre les minorités et les migrants, en matière de corruption et d'indépendance de la justice.

Cette procédure rarissime, souvent qualifiée d'"arme nucléaire", peut déboucher en théorie sur une suspension de ses droits de vote au Conseil de l'Union européenne.

Le texte obtient la majorité des deux tiers nécessaire à son adoption (449 pour, 197 contre, 47 abstentions).

Une nouvelle fois, les eurodéputés des pays du groupe de Visegrad (dont fait partie la Hongrie), accompagnés par la Bulgarie, la Slovénie et le Royaume-Uni, s'opposent majoritairement à la procédure ou s'abstiennent, y compris dans les groupes l'approuvant massivement.

Les divisions sont particulièrement visibles au sein du PPE, où siègent alors les eurodéputés du parti de Viktor Orban (Fidesz). Si une majorité approuve la procédure, de nombreux élus est-européens votent contre ou s'abstiennent. Ils ne sont cependant pas seuls: les députés PPE italiens et espagnols, ainsi que la moitié des Français, font de même.

Il est improbable que la procédure dite "de l'article 7" débouche sur des sanctions. La Pologne a prévenu qu'elle s'y opposerait, ce qui rendrait impossible d'atteindre l'unanimité indispensable des Etats membres (hors Hongrie).

- Travail détaché -

Le Parlement européen se prononce le 29 mai 2018, après plus de deux ans de négociations laborieuses, en faveur d'une réforme du travail détaché, sur le principe "à travail égal, salaire égal sur un même lieu de travail".

Le détachement des travailleurs, qui a explosé au cours des dernières années, permet à des Européens de travailler temporairement dans un autre pays, en cotisant dans leur pays d'origine.

Là encore, la fracture Est-Ouest est un déterminant important.

Les eurodéputés des pays du groupe de Visegrad s'opposent majoritairement au texte (42 élus polonais sur 46 votent contre). Ces pays, qui envoient plus de travailleurs détachés qu'ils n'en reçoivent, craignent que la réforme ne nuise à l'activité de leurs ressortissants détachés dans d'autres pays.

Dans les pays de l'Ouest, tels que l'Allemagne et la France, qui accueillent de nombreux travailleurs détachés, beaucoup d'eurodéputés saluent une occasion de lutter contre le dumping social.

Par Jean-Philippe Chognot

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