Londres - La Cour suprême britannique a jugé "illégale" la décision du Premier ministre Boris Johnson de suspendre le Parlement pendant cinq semaines, estimant qu'elle avait pour but d'empêcher son bon fonctionnement. Eclairage sur un jugement "phénoménal", avec en toile de fond la crise politique du Brexit:

En quoi l'arrêt est-il inédit ?

Au Royaume-Uni, le Premier ministre dispose de pouvoirs propres qui lui permettent de suspendre le Parlement, mais aussi de déclarer la guerre ou de signer des traités."La plupart du temps, les tribunaux sont plus qu'heureux de laisser le Premier ministre les utiliser", a expliqué à l'AFP Matthew Flinders, professeur en science politique à l'Université de Sheffield. La décision de juger "illégale, nulle et non avenue" la suspension du Parlement voulue par Boris Johnson constitue donc "une grande surprise" -- "absolument phénoménale".

Selon Robert Craig, professeur de droit constitutionnel à la LSE, la décision de la Cour représente une "importante nouveauté" car elle signifie que "les tribunaux sont (désormais) bien plus impliqués dans la relation entre le gouvernement et le pouvoir législatif".

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Le chemin tourmenté du Brexit

Quels impacts immédiats ?

Le jugement annule la suspension du Parlement, effective depuis le 10 septembre: les députés, qui ne devaient revenir que le 14 octobre, siègeront de nouveau dès mercredi matin.

"Le rapport de force entre le gouvernement et le Parlement s'est déplacé un peu plus vers les députés et un peu moins vers le gouvernement", analyse Robert Craig.

Boris Johnson est désormais "soumis à une pression bien plus grande" avec le retour du Parlement mercredi: "Il peut y avoir une motion de censure ou des lois adoptées pour le contraindre à faire certaines choses".

Les députés avaient déjà voté, avant la suspension du Parlement, une loi l'obligeant à demander un nouveau report du Brexit s'il ne parvenait pas à conclure un accord de sortie avec Bruxelles d'ici le 19 octobre, après un sommet européen à Bruxelles.

"Nous allons nous remettre au travail", a déclaré à l'AFP Joanna Cherry, députée du parti indépendantiste écossais SNP, qui a porté l'une des actions en justice aboutissant à la décision de la Cour Suprême.

"Et si le gouvernement n'a pas le courage de faire face aux députés, il y a un mécanisme au Parlement pour demander au président (speaker) de la Chambre des Communes de mettre à l'ordre du jour une question urgente pour les contraindre à venir"

Et à long terme ?

Si tous soulignent une décision inédite dans l'histoire de la Cour suprême, les avis divergent quant à ses effets durables.

Pour Solon Solomon, spécialiste en droit public et international à l'Université de Brunel, la Cour instaure "pour la première fois" l'idée que les tribunaux peuvent se prononcer sur l'exercice des prérogatives du Premier ministre alors que "des questions comme entrer en guerre ou conclure un traité de paix ont toujours été considérées en Europe continentale, et au Royaume-Uni, comme ne relevant pas de la justice".

Surtout, la Cour suprême, la plus haute instance judiciaire du pays, envoie "un message": elle est "le garant de la démocratie britannique".

En 2017, elle avait déjà statué en faveur d'une femme d'affaires anti-Brexit Gina Miller, imposant au gouvernement conservateur précédent, celui de Theresa May, de consulter le Parlement sur le processus de sortie de l'Union européenne.

Toutefois, le professeur Matthew Flinders appelle à la prudence et à comprendre le jugement à la lumière des "circonstances exceptionnelles" liées à l'imminence du Brexit.

Ce n'est pas "le début d'un changement" d'attitude de la Cour suprême: elle ne va pas soudainement "montrer ses muscles", assure-t-il.

"A bien des égards, les juges ont pris soin dans leur décision d'indiquer clairement qu'ils ne cherchaient pas à passer outre le Premier ministre mais à défendre le rôle du Parlement et son droit de surveiller l'exécutif".

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