Moscou - La flambée de violences meurtrières dans la région séparatiste du Nagorny Karabakh, soutenue par Erevan, fait craindre une guerre d'envergure entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie dans le Caucase du Sud, où Ankara et Moscou sont en concurrence.

Le point sur les nouvelles questions soulevées par ce conflit qui empoisonne la région depuis la dislocation de l'URSS.

- Pourquoi ces hostilités ?

Après des semaines de rhétorique guerrière, l'Azerbaïdjan a dit avoir déclenché une vaste "contre-offensive", affirmant répondre à des provocations armées du Nagorny Karabakh, région peuplée majoritairement d'Arméniens qui a fait sécession de l'Azerbaïdjan.

Celle-ci, soutenue politiquement, militairement et économiquement par l'Arménie, affirme avoir été la victime d'une agression, Bakou cherchant à reprendre cette province qui lui échappe depuis une guerre qui de 1988 et 1994 a fait 30.000 morts.

Depuis lors, cette république autoproclamée sans reconnaissance internationale n'a jamais connu vraiment la paix, avec de fréquents affrontements le long du front, qui n'ont jamais changé le statu quo.

Selon l'experte Olesya Vartanyan, du International Crisis Group, le regain du conflit s'explique cette fois-ci notamment par l'absence de médiation récente et cela malgré l'escalade qu'a représenté des affrontements armés en juillet, non pas entre le Karabakh et Bakou, mais l'Arménie et l'Azerbaïdjan directement.

"Ces combats ont causé beaucoup d'émotion et des appels à la guerre qui n'ont hélas pas été contenus par une médiation internationale", regrette-t-elle.

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Carte localisant en Azerbaïdjan la région séparatiste du Nagorny Karabakh 

- Une escalade significative?

La reprise des hostilités dimanche au Karabakh est marquée par un engagement militaire bien plus important. L'Azerbaïdjan a fait usage de bombardements aériens, d’artillerie et de blindés, et affirme conquérir des territoires.

"On assiste à des actions très coordonnées à plusieurs endroits du front avec deux camps bien préparés", note Olesya Vartanyan.

Ces heurts sont moins localisés que les précédents d'avril 2016 dans le Nagorny Karabakh.

"En 2016, c'était principalement des combats entre éclaireurs. Là, on a des engagements complets avec de gros moyens", dit Gela Vasadze, expert basé à Tbilissi.

Les deux camps ont aussi décrété la loi martiale et une mobilisation militaire, une "première", selon M. Vasadze, depuis le début des années 1990.

Bakou a également revendiqué la conquête d'une position clé qui, si elle est confirmée, pourrait faciliter les bombardements sur Stepanakert, la capitale locale.

L'expert juge cependant qu'aucun des deux camps n'a "les ressources suffisantes" pour maintenir un effort de guerre de "cette ampleur pendant longtemps".

- Possible propagation?

Seule une incursion militaire en profondeur à l'intérieur de l'Arménie ou de l'Azerbaïdjan, et non des affrontements le long du front, pourrait entraîner une intervention directe de Moscou ou d'Ankara, selon Gela Vasadze.

Ankara pourrait venir à la rescousse de Bakou via leurs accords militaires. De même, la Russie, plus proche d'Erevan, le ferait via l'alliance militaire qui la lie à l'Arménie.

"Mais une intervention directe serait peu bénéfique pour Moscou et Ankara, cela menacerait leurs liens économiques", nuance-t-il.

Néanmoins, Olesya Vartanyan signale un renforcement du soutien d'Ankara à Bakou, visible lors d'exercices militaires communs en août, les plus grands jamais organisés entre les deux pays.

"Outre des livraisons d'armes, on ne sait pas quelle nouvelle aide la Turquie serait prête à apporter. Il y beaucoup d'options sur la table", dit-elle.

L'Arménie a accusé Bakou d'être soutenu par des mercenaires alliés des Turcs en Syrie, des experts militaires turcs et des pilotes de drones notamment.

L'Azerbaïdjan a elle aussi accusé l'Arménie de faire venir des mercenaires.

- Quelles solutions diplomatiques?

Pour Olesya Vartanyan, seule la mobilisation du Groupe de Minsk, le médiateur traditionnel réunissant depuis 1992 Washington, Paris et Moscou, peut faire baisser les tensions.

"Les diplomates doivent se déplacer et parler avec les deux parties", affirme-t-elle.

Pour Gela Vasadze, il faudrait au contraire une "intervention renforcée" de Washington et Bruxelles dans le conflit, car selon lui, Moscou joue un jeu trouble.

"Le but de la Russie n'est pas de résoudre le conflit mais au contraire de le raviver périodiquement pour conserver son influence régionale", soutient-il.

Par Romain Colas

 

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