Francfort - Chaque Européen disposera-t-il un jour d'un compte en euros numériques à la Banque centrale européenne (BCE)?

Cette perspective prend forme alors que l'institut de Francfort a donné mercredi son feu vert à une phase d'évaluation de deux ans.

S'il est définitivement adoubé, le projet le plus important depuis l'introduction de l'euro pourrait voir le jour vers le milieu de la décennie et s'ajouter aux moyens de paiement à la disposition des citoyens.

 

- Pourquoi un euro numérique ?

La BCE veut accompagner l'explosion des paiements dématérialisés, qui s'est amplifiée avec la pandémie de Covid-19.

Même en Allemagne, pays où le liquide a longtemps été roi, les consommateurs ont, en 2020, pour la première fois dépensé plus d'argent par carte.

La BCE craint que cet engouement ne profite à des monnaies virtuelles privées ou à des devises étrangères.

En 2019, le projet de Facebook de lancer une monnaie virtuelle, désormais baptisée le diem, a créé un électrochoc.

Plusieurs pays, comme la Chine ou les Etats-Unis, travaillent aussi à l'émission de leur propre cryptomonnaie. Pékin teste déjà depuis mars le paiement par e-yuan via téléphone portable, avec l'ambition d'en faire une monnaie internationale de référence, concurrente du dollar, selon les experts.

"La monnaie de banque centrale resterait au cœur du système de paiement, renforçant l'autonomie de l'Europe à l'ère de la monnaie numérique", déclare Fabio Panetta, membre du directoire de la BCE.

 

- Quel intérêt pour les consommateurs ? -

L'euro numérique va permettre aux ménages et entreprises de déposer directement cette monnaie sur un compte créé au sein de banques commerciales ou d'autres acteurs financiers régulés.

Cet argent sera protégé contre tout risque de perte, un argument fort au moment où le projet de garantie européen des dépôts est dans l'impasse.

La BCE promet une utilisation "sans risque, accessible et efficace" pour régler des achats à la caisse d'un supermarché, en ligne via une application sur smartphone par exemple, également hors ligne à l'aide de cartes de paiement similaires à la carte de débit.

L'enjeu sera le moment venu de "persuader les consommateurs de passer à un nouveau moyen de paiement qui ne diffère guère de ceux existants en termes de traitement et de gamme de services" comme Apple Pay ou PayPal, estime Heike Mai, économiste chez Deutsche Bank.

"Les habitudes de paiement des consommateurs ne changeront pas dès le lancement d'un euro numérique", prévoit déjà Guido Zimmermann, analyste chez LBBW.

Mais cela pourrait évoluer dans quelques années, tandis que "l'argent obtiendra de nouvelles fonctionnalités, faisant que nos habitudes de vie et de paiement changeront davantage".

Les utilisateurs pourraient par exemple effectuer des virements ou des paiements entre Européens, en limitant les frais bancaires, avec leur "portefeuille" d'euros numériques, disponible 24h/24, 7j/7.

 

- Quelle différence avec une cryptomonnaie ?

Une cryptomonnaie comme le bitcoin n'est pas un moyen de paiement officiel. Son unité de compte n'est pas définie par l'Etat mais est émise par des organisations privées, ou contrôlée par les participants d'un réseau informatique.

L'émission de nouveaux bitcoins est régulée par un algorithme, et non par un comité de politique monétaire.

La BCE voudra s'assurer que l'euro numérique "soit utilisé comme moyen de paiement plutôt que comme forme d'investissement, en vue de préserver la stabilité financière", déclare Fabio Panetta.

Le tout se voulant à l'opposé du monde très spéculatif des monnaies numériques, dont le cours a des allures de montagne russe.

 

- Quels risques ? -

La BCE doit prendre en compte les inquiétudes des Européens sur les risques pour la protection de leur vie privée, première des priorités exprimées dans la récente consultation menée par l'institut.

Les données devraient être mieux protégées avec l'euro numérique qu'avec les équivalents proposés par des prestataires privés, assure la BCE.

Mais le chemin est étroit car il n'est pas question d'offrir la même garantie d'anonymat que le cash, pour des raisons évidentes de lutte contre la fraude fiscale et le financement d'activités illicites.

Le principal risque est la fuite des épargnants vers cette nouvelle forme de monnaie, qui permet d'éviter les frais d'un compte de dépôt classique, ce qui fragiliserait les banques de la zone euro.

La BCE songe ainsi à taxer les dépôts en monnaie de banque centrale au-delà d'un seuil, par exemple 3.000 euros, déclarait en juin Fabrio Panetta au Financial Times.

Il ne faut pas non plus aggraver la fracture numérique au sein de la société.

L'euro numérique "ne remplacera pas" l'argent liquide, assure la BCE.

Par Jean-Philippe Lacour

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