Bruxelles - Il a fallu plus de trois ans de négociations, presque un record, entre les deux co-législateurs européens, le Parlement et le Conseil, pour s'accorder fin juin sur la réforme des réglementations encadrant l'agriculture bio dans l'UE.

Pourquoi a-t-il été si compliqué de trouver un compromis sur ce mode de culture qui trouve pourtant toujours davantage d'adeptes et suscite de plus en plus de conversions parmi les agriculteurs?

Un des principaux points de contentieux n'a pu être résolu par la révision des règles de l'UE approuvée le 28 juin à Bruxelles: les produits bio, avec ou sans pesticides?

Les avis et les législations nationales, très différents selon les Etats membres, ont poussé les négociateurs à renvoyer la question des seuils de pesticides ou de résidus de pesticides à 2024, date à laquelle la Commission devra rendre compte d'un "rapport d'évaluation".

Si le cahier des charges de l'agriculture bio enjoint au producteur de ne pas utiliser d'intrants chimiques, il existe en effet des risques de "contamination" en cas d'utilisation dans des zones adjacentes.

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Le bio a gagné 400.000 hectares par an en moyenne entre 2002 et 2015 pour atteindre plus de 6% des terres cultivées en Europe. Photo: Fred Tanneau/AFP

"Aujourd'hui, personne ne veut prendre en charge le dédommagement en cas de contamination, pas plus les firmes d'agrochimie que les Etats", affirme à l'AFP l'eurodéputé français José Bové, héraut de la lutte contre la "malbouffe" dans son pays.

L'enquête de la Commission devra permettre d'identifier les lieux de contamination: dans les champs lors de la production ou plutôt au moment de la transformation des produits, voire dans les transports, explique encore M. Bové.

Mais pour son collègue socialiste Marc Tarabella, la "crédibilité du bio" est en jeu en cas d'absence de sanctions.

"Le risque de décertification est fondamental, car la menace pour les agriculteurs de perdre le label est le fondement même du système et augmente la garantie d'exploitations saines", estime le parlementaire belge.

La nouvelle législation européenne va d'ailleurs renforcer les contrôles dans les exploitations et chez les détaillants.

Friands de bio

Pourtant, le collectif IFOAM-EU, basé à Bruxelles, qui regroupe les différents acteurs de la chaîne de production bio, a fraîchement accueilli l'accord du 28 juin.

"Nous regrettons que la procédure ait été hâtée pour être finalisée et que des points politiques importants aient été remis à plus tard", a déploré le président du collectif, Christopher Stopes.

Lorsque la Commission avait publié en mars 2014 sa proposition pour réformer la législation européenne en la matière, l'objectif principal était d'encourager ce secteur en fort développement.

Le bio a gagné 400.000 hectares par an en moyenne entre 2002 et 2015 pour atteindre plus de 6% des terres cultivées en Europe.

Les champions de l'agriculture bio dans l'UE sont l'Autriche (20%), la Suède (17%), l'Estonie (16%), la République tchèque (14%) et l'Italie (12%). Le top 5 est toutefois différent en superficie, avec l'Espagne en tête suivie par l'Italie, la France, l'Allemagne et la Pologne.

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Le cahier des charges européen sur le bio va progressivement s'appliquer aux importations des pays tiers, afin d'assurer une concurrence plus équitable. Photo: Stéphane de Sakutin/AFP

Alors que les consommateurs européens sont de plus en plus friands de bio, la demande augmente plus vite que le rythme des reconversions agricoles. Elle ne peut être satisfaite par la seule production de l'UE.

L'un des principaux objectifs de la réforme, qui devrait s'appliquer à partir de 2020, était de mieux contrôler ces importations devenues nécessaires.

Le cahier des charges européens sur le bio va donc progressivement s'appliquer aux importations des pays tiers, afin d'assurer une concurrence plus équitable.

Autre point sensible de la réforme: il a finalement été décidé que la culture "hors-sol naturel" ou hydroponique -- des plantes cultivées dans une solution d'eau et de nutriments -- ne serait pas considérée comme bio - avec une dérogation pour dix ans pour les pays scandinaves.

Enfin, la réforme devrait permettre un meilleur approvisionnement en semences biologiques, pour l'instant limité par le catalogue officiel des graines autorisées dans l'UE.

Ce catalogue écarte de fait certaines variétés de fruits et légumes non "conventionnelles" ou désuètes qui font leur grand retour sur les marchés locaux et dans les circuits courts.

"Le système sera maîtrisé par les agriculteurs, c'est une très grande avancée", se félicite José Bové.

Pour être entériné, le compromis doit être encore voté par le Parlement européen en séance plénière et par le Conseil (qui représente les 28 Etats membres).

Par Marine Laouchez

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