Londres - Procès reportés, prisonniers libérés ou privés de visites, avocats au chômage... Si le nouveau coronavirus provoque une crise sanitaire sans précédent, il bouleverse aussi le fonctionnement de la justice pénale en Europe, contrainte de tourner au ralenti.

De l'Angleterre à la Pologne en passant par l'Allemagne, de nombreux procès ont été temporairement suspendus, notamment ceux nécessitant la présence d'un jury, en raison des mesures de distanciation sociale instaurées pour freiner la propagation du virus.

En France, l'ensemble des tribunaux sont fermés et leur activité est réduite aux "contentieux essentiels".

En Belgique, les procédures civiles sont repoussées, et pour le contentieux pénal les tribunaux se limitent essentiellement à examiner les dossiers impliquant des personnes détenues.

Les tribunaux portugais assurent également un service allégé, similaire à une période de vacances judiciaires.

L'Ecosse, dont le système judiciaire diffère de celui en vigueur en Angleterre, a en revanche renoncé à son projet de suspendre tous les procès avec jury pendant 18 mois, face aux réactions offusquées.

Les systèmes pénitentiaires tentent eux aussi de s'adapter à la nouvelle donne.

Le ministère britannique de la Justice a annoncé la libération anticipée de jusqu'à 4.000 prisonniers en bout de peine en Angleterre et au Pays de Galles.

En Pologne, où les conservateurs nationalistes du parti Droit et Justice (PiS) au pouvoir ont mené une réforme controversée de la justice, la plupart des prisonniers purgeant des peines de trois ans maximum ont été libérés.

Pour réduire le surpeuplement des prisons, le gouvernement portugais prévoit d'accorder des grâces pour raisons humanitaires. Les juges des peines auront davantage d'autonomie pour décider d'autres remises de peines au cas par cas.

En Autriche, pour compenser l'interdiction des visites, à l'origine de tensions dans les prisons, les détenus se sont vu accorder plus de temps au téléphone.

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Une salle d'audience du nouveau Palais de justice de Paris, aux Batignolles, en 2018

- "Sur le point de s'effondrer" -

Si les associations de défense des droits de l'Homme acceptent la nécessité de telles mesures face à la pandémie meurtrière, elles mettent aussi en garde contre l'adoption de mesures disproportionnées.

Les autorités "doivent veiller à ce que les droits humains soient respectés" pour les détenus, insiste l'ONG Penal Reform International.

"En cette période angoissante, il est d'autant plus pertinent que les gens ne se coupent pas du monde extérieur, qu'ils ne finissent pas en confinement solitaire, et que la plupart aient accès à l'information et aux soins adéquats", ajoute-t-elle.

Amnesty International s'inquiète du fait que la Turquie prévoit de libérer des milliers de prisonniers, mais pas les détenus politiques.

En Angleterre et au pays de Galles, la suspension de certains procès va aggraver les embouteillages dans les tribunaux, déjà conséquents en raison notamment d'une décennie d'austérité, selon des experts.

Selon Bill Waddington, président de l'association Criminal Law Solicitors, le système judiciaire "craquait" déjà avant la crise sanitaire.

"Le système de justice pénale et ceux qui y travaillent ont été privés d'importants financements durant de nombreuses années, et avant même le Covid(-19), les avocats avaient prévenu le gouvernement que le système était sur le point de s'effondrer", explique-t-il à l'AFP.

Selon des chiffres publiés fin mars par le ministère de la Justice, 37.434 affaires étaient en attente d'une audience dans les cours et tribunaux anglais et gallois à la fin 2019, en hausse de 13% par rapport à l'année précédente.

Pour éviter de les "obstruer" davantage, la police a demandé que des infractions "moins prioritaires" ne fassent pas l'objet d'inculpations, comme les voies de fait simples ou des infractions routières de moindre gravité.

The Law Society, organisation professionnelle des avocats d'Angleterre et du pays de Galles, a prévenu que les plus petits cabinets d'avocats pourraient avoir à mettre la clé sous la porte.

"Les cabinets dont le travail des avocats dépend de l'aide juridique ne survivront tout simplement pas", abonde Bill Waddington. "C'était déjà le cas avant le Covid mais cela va certainement s'accélérer au cours des prochains mois."

Par David Harding et les bureaux de l'AFP en Europe

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