Paris - Avec l'annonce de réouvertures de frontières en Europe, les réservations aériennes repartent en flèche, mais les entreprises européennes du secteur, torpillées par le Covid-19, auront besoin de plus qu'un bon été pour dépasser la pire crise de leur histoire.
Tous les acteurs du transport aérien du Vieux continent le constatent: leurs clients, après des mois d'entraves aux mouvements, se pressent en nombre pour décrocher un siège d'avion pour les vacances.
Dans un contexte d'optimisme nourri par la montée en puissance des vaccinations, les compagnies musclent leurs programmes vers les pays déjà ouverts comme l'Espagne ou la Grèce, tout en plaidant pour une levée totale des restrictions intra-européennes.
Sans encore retrouver le niveau de 2019, l'activité passagers pourrait atteindre 69% de celui-ci en Europe en août, selon le scénario le plus optimiste de l'organisme européen de surveillance du trafic aérien Eurocontrol, bien mieux que la moyenne de l'été 2020 (moins de 45%).
L'activité "repart extrêmement fort, nous le voyons dans les réservations", a affirmé le directeur général d'Air France-KLM, Ben Smith, faisant part de son "optimisme" pour l'été, jeudi lors d'une conférence de l'association européenne des compagnies aériennes, Airlines for Europe (A4E).
- Précédent amer en 2020 -
Mais le doute persiste sur la solidité de la reprise: en 2020, l'été n'avait été qu'un feu de paille, et le voyage aérien était ensuite retombé très bas.
Ce marasme s'est poursuivi au printemps 2021, et les professionnels redoutent l'émergence d'un variant résistant aux vaccins qui provoquerait une réédition de ce scénario noir.
Et même sans une telle éventualité, les projections pour l'ensemble de 2021 voient le trafic aérien européen n'atteindre que 50% de 2019, a souligné Thomas Reynaert, directeur général d'A4E: "Ce n'est pas si énorme."
Le secteur ne voit au mieux un retour aux niveaux d'avant-crise en Europe qu'en 2024, a-t-il rappelé.
Se pose aussi la question de la reprise selon les segments de clientèle et les destinations. La réouverture des lucratives liaisons entre Etats-Unis et Europe est particulièrement attendue par les compagnies.
"La reprise du trafic cet été sera largement tirée par le court et moyen-courrier, tandis que le long-courrier restera très perturbé", prédit Bertrand Mouly-Aigrot, directeur général du cabinet spécialisé Archery Strategy Consulting.
"La physionomie de ce rebond profitera sans doute davantage aux compagnies low-cost, plus focalisées sur la demande loisirs et les vols courts", selon lui.
Autre nuage à l'horizon pour les compagnies traditionnelles, une étude publiée mardi par la Montpellier Business School conclut que "les voyageurs d'affaires devraient remplacer 38% de leurs déplacements professionnels en avion par des visioconférences" à l'avenir.
- Nouveaux besoins de financement -
Les groupes de compagnies historiques (Air France-KLM, Lufthansa, IAG -maison mère de British Airways et Iberia-), accablées par leurs coûts fixes dont de coûteuses flottes, sortent de la crise très fortement endettées.
Malgré des retraits d'appareils et des réductions d'emplois, elles ont essuyé des milliards d'euros de pertes en 2020, et ont "continué à consommer" de la trésorerie depuis le début 2021, remarque M. Mouly-Aigrot.
"Elles auront encore besoin de nouveaux capitaux, cela nous semble inévitable", ajoute-t-il. Selon l'Association internationale du transport aérien (Iata), les compagnies aériennes européennes devraient subir des pertes totales de 18 milliards d'euros cette année, après 28 milliards en 2020.
Air France-KLM, à peine recapitalisé avec l'aide de l'Etat français, a obtenu le mois dernier de ses actionnaires un feu vert à la possibilité de lever jusqu'à 300% de son capital actuel --potentiellement quelques milliards. Le groupe espère néanmoins retrouver un bénéfice opérationnel au troisième trimestre.
Début mai, les porteurs de parts de Lufthansa avaient approuvé une augmentation de capital de 5,5 milliards d'euros maximum pour faire face aux échéances de remboursement des aides publiques.
Les conséquences de la crise se font ressentir aussi dans les aéroports, qui ont été moins aidés que les compagnies et sont tous en perte, selon leur association internationale, ACI World.
La crise représente "un gros défi pour la viabilité financière" de ces équipements, en particulier les plus modestes, a affirmé la semaine dernière le directeur général d'Eurocontrol, Eamonn Brennan. Les aéroports soutiennent des dizaines de milliers d'emplois directs et indirects, de la manutention au sol aux magasins, en passant par la sécurité.
Par Tanguy Quemener
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