Bruxelles - Deux ans de débats, une campagne effrénée des ONG et un vote au bout du suspense: le feuilleton du glyphosate a mis sous le feu des projecteurs des processus de décision complexes et contestés au sein de l'Union européenne, qui promet d'en tirer les leçons.

Les opposants à l'herbicide controversé ont peut-être perdu une bataille, mais au lendemain de la décision de renouveler la licence du glyphosate pour cinq ans, ils ne baissent pas les bras.

"Il y a quelques mois, personne ne savait ce qu'était le glyphosate. L'affaire aura révélé une chose: on a remis l'agriculture et l'alimentaire au coeur de nos questions de société", se console l'eurodéputé socialiste français Eric Andrieu.

Martin Pigeon, chercheur et militant pour Corporate Europe Observatory, une ONG qui expose le pouvoir des lobbies, fait partie du collectif qui a lancé "Stop glyphosate", une "Initiative citoyenne européenne" (ICE), pétition officielle qui a rassemblé plus d'un million de signatures.

"Il n'y a eu aucune prise en compte des objections des gouvernements mis en minorité, ni du Parlement européen" qui prône une disparition progressive sur cinq ans, déplore Martin Pigeon. Un "déni démocratique" que l'UE pourrait payer, renchérit Eric Andrieu.

Neuf pays ont maintenu jusqu'au bout leur opposition, dont la France, principale puissance agricole dans l'UE, mais aussi l'Italie, l'Autriche, le Luxembourg et la Belgique.

Changer les règles du jeu

La Commission européenne assure avoir tiré une première leçon avec sa proposition, soumise en février, d'introduire "plus de transparence" dans le processus de "comitologie", le cadre législatif dans lequel a évolué le dossier du glyphosate: des décisions prises à huis clos par des comités d'experts représentant les Etats membres.

Le processus d'homologation scientifique au sein de l'UE a aussi été sévèrement écorné. Dans sa première réaction, la France a réclamé une "réforme du cadre européen d'évaluation des substances chimiques".

"Il faut changer les règles du jeu", lance l'enrodéputée Michèle Rivasi. Son groupe politique, les Verts, a demandé la mise en place une commission parlementaire spéciale pour améliorer le processus d'évaluation.

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Le débat est resté dans l'impasse depuis le classement comme cancérogène "probable" du glyphosate par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), un organe de l'OMS, en mai 2015.

L'Efsa, l'Agence européenne de la sécurité alimentaire, avait rendu un avis contraire, ouvrant la porte au renouvellement de l'autorisation de la substance dans l'UE.

Le problème, pour les opposants à la substance, c'est que l'Efsa se base notamment sur des études confidentielles, alors que le CIRC ne prend en compte que des études déjà publiées.

Des accusations d'influence sur certaines études de l'industrie phytosanitaire et du géant américain Monsanto en particulier ont exacerbé le débat.

"Stop Glyphosate" réclame qu'à l'avenir, l'évaluation des pesticides se fasse sur des bases de données publiées et accessibles. L'ICE insiste aussi pour que les études ne soient pas payées par les industriels, mais par l'intermédiaire d'un fonds public.

L'UE "doit se donner les moyens" d'assumer la protection de la santé humaine et de l'environnement, selon Martin Pigeon.

"Techniques alternatives"

"Les politiques et les décideurs devraient réfléchir au fait qu'en Europe, nous pouvons fièrement revendiquer les aliments les plus sûrs au monde. Nous devons tous faire plus pour le rappeler aux 500 millions de consommateurs européens, plutôt que de miner la confiance du public", rétorque Graeme Taylor, porte-parole de l'ECPA, l'association européenne des fabricants de pesticides.

La Commission européenne a promis de répondre aux demandes de l'ICE et donné rendez-vous le 12 décembre. Elle s'est aussi engagée "à examiner la possibilité de clarifier et optimiser les règles de transparence applicables aux études scientifiques qui sont la base de l'évaluation".

Pour Angélique Delahaye, membre du PPE (droite, majoritaire au Parlement européen), le manque d'éléments scientifiques déterminants rendait de toute façon inévitable un vote en faveur de la réautorisation du glyphosate.

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Le glyphosate, un herbicide controversé massivement utilisé 

"On aurait investit cette énergie et cette détermination dans des moyens à mettre en place pour la recherche, pour l'innovation, pour des techniques alternatives, on aurait été beaucoup plus utile à nos concitoyens européens", tempête-t-elle.

Michèle Rivasi va désormais travailler à construire une "alliance" pour soutenir des pays comme la France, avec l'engagement pris par le président Emmanuel Macron d'éliminer progressivement le glyphosate en trois ans.

Car si le glyphosate est autorisé sur le territoire de l'UE, chaque pays garde le droit d'interdire des produits qui en contiennent, ou de limiter l'usage des pesticides, comme c'est déjà le cas en France ou en Belgique.

Marine Laouchez

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