Madrid - Quand Donald Trump s'entend avec l'Union européenne pour lui vendre plus de gaz, l'Espagne se voit déjà en plateforme de transit des importations avec ses nombreux terminaux méthaniers. Encore faudrait-il qu'elle soit connectée au réseau européen de gazoducs.
La question est revenue sur le tapis vendredi 27 juillet à Lisbonne à l'occasion d'un sommet franco-luso-espagnol sur les interconnexions énergétiques.
Avec le Portugal, l'Espagne réclame depuis des années la fin de l'isolement de la péninsule ibérique des réseaux européens de distribution d'électricité et de gaz. Le dossier électrique progresse, mais pas celui du gaz. Pourtant, l'occasion de transporter le gaz américain est là.
Le président américain a affirmé fin juillet avoir obtenu du chef de la Commission européenne Jean-Claude Juncker une augmentation des importations de gaz naturel, dont américain, liquéfié et transporté par méthanier pour être regazéifié dans des terminaux. Les Européens "vont devenir des acheteurs majeurs", a-t-il affirmé.
L'Espagne et le Portugal, qui a réceptionné en avril 2016 le premier chargement de gaz naturel liquéfié américain en Europe dans son terminal de Sines (sud), aimeraient en profiter.
Enjeu stratégique
Lors du sommet de l'Otan début juillet à Bruxelles, où Donald Trump a critiqué la dépendance au gaz russe de l'Union européenne en demandant aux Européens d'acheter du gaz américain, Madrid a proposé ses services, a révélé cette semaine le chef de la diplomatie espagnole Josep Borrell.
"Nous, les Espagnols, importons toujours plus de gaz américain, qui représente déjà 25% de notre approvisionnement, et le Portugal et l'Espagne disposent de terminaux qui permettraient de décharger les méthaniers américains et d'acheminer le gaz par gazoduc", a-t-il déclaré à la presse internationale. Mais si le gaz américain arrive dans la péninsule et ne peut pas aller plus loin, nous avons un problème".
L'Espagne compte six terminaux de regazéification, plus que n'importe quel autre pays en Europe. Elle dispose bien d'une connexion avec les gazoducs français dans l'ouest des Pyrénées, mais elle plaide aussi pour la construction d'une autre connexion à l'est, en Catalogne, pour augmenter la capacité.
Le projet, baptisé Midcat, était à l'étude lors d'un premier sommet tripartite sur les connections énergétiques, en mars 2015 à Madrid. Mais à Lisbonne le 27 juillet, la France ne voulait parler que d'interconnexions électriques.
"On n'espère pas débloquer la question du gaz, expliquait avant la rencontre Gonzalo Escribano, expert en énergie à l'institut Elcano à Madrid. "Nous ne savons pas qui paierait, et les Français freinent des quatre fers".
"La question du gaz est en train d'être traitée maintenant", assurait pourtant le 10 juillet le secrétaire portugais à l'énergie.
Que s'est-il passé ?
Une étude de viabilité commandée par la Commission européenne et publiée en avril dernier a conclu que le gazoduc Midcat, d'un coût évalué à plus de 440 millions d'euros, ne présentait aucun avantage pour les pays au nord, qui disposent aussi de terminaux.
Ainsi, le terminal français de Montoir en Bretagne n'est pas plus loin du port de Corpus Christi, au Texas, que le port de Bilbao, au Pays basque espagnol.
Relier les terminaux de la péninsule au reste de l'Europe par gazoduc n'augmenterait pas non plus la sécurité des approvisionnements européens, même dans des scénarios de suspension des livraisons de gaz de Russie, d'Algérie ou du Qatar, conclut l'étude des consultants finlandais Pöyri.
Excédents de capacité
En fait, "les 32 terminaux de regazéification en Europe ont de vastes excédents de capacité" relevaient en mai les consultants IHS Markit, qui prévoient que d'ici 2020, les capacités d'importation de gaz naturel de l'Europe auront augmenté de plus de 20%.
C'est pourquoi le sommet de Lisbonne devait être consacré aux interconnexions électriques, et à la signature d'un accord de financement de la construction d'une ligne de 370 kilomètres de long reliant la France et l'Espagne sous le Golfe de Gascogne. La commission européenne le subventionnera à 30%, en apportant 578 millions d'euros, un montant sans précédent pour un projet énergétique.
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