Paris - "Article 11", "hyperliens" et "droits voisins": alors que les eurodéputés se prononcent mercredi sur la réforme du droit d'auteur, lexique des termes clés du vote.

La "directive sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique" nourrit une intense querelle par lobby interposé entre ses partisans, les créateurs et les médias, et ses opposants, les géants du numérique et des militants antirégulation sur internet. Elle vise à moderniser le droit d'auteur face à la révolution numérique, la dernière législation sur le sujet remontant à 2001.

Droits voisins

Le droit d'auteur est un droit de propriété intellectuelle sur une œuvre de l'esprit. Il confère aux auteurs des droits patrimoniaux (exploitation de l'œuvre) et moraux (respect de l'œuvre). C'est sur cette base que sont rémunérés les artistes.

Les droits voisins - l'expression exacte étant "droits voisins du droit d'auteur" - protègent des personnes jouant un rôle dans la création, sans être les auteurs. Ils existent déjà dans la musique pour les artistes interprètes et les producteurs, par exemple.

Les critères du droit d'auteur s'appliquent difficilement aux publications de presse à l'ère du numérique.

L'instauration de droits voisins par cette directive doit permettre aux journaux, magazines et agences de presse comme l'AFP, de se faire rémunérer lors de la réutilisation en ligne de leur production par des agrégateurs d'information comme Google News ou des réseaux sociaux comme Facebook.

Article 11

Cet article de la directive crée un droit voisin pour les éditeurs de presse. "Ce droit à rémunération devra être juste et proportionné. Par ailleurs, une part appropriée des recettes obtenues par les éditeurs grâce à ce nouveau revenu devra être reversée aux auteurs des publications", précise Vanessa Bouchara, avocate spécialisée en droit de la propriété intellectuelle.

Ces droits voisins devront être négociés via des accords de licence entre les éditeurs et les plateformes de partage, qui proposent des liens vers les contenus des médias.

Les plateformes numériques devront donc payer des redevances proportionnelles à l'exploitation des contenus que les éditeurs les auront autorisées à utiliser. Mais les termes exacts de ces contrats sont laissés à l'appréciation des Etats membres.

Certains juristes ont critiqué la complexité de ce principe et la création de droits trop larges sur les informations, qui s'ajouteraient à l'empilement des copyrights et droits d'auteur, droits de diffusion et autres accords de licence. D'autres au contraire soulignent l'inadéquation des protections existantes.

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Chiffre d'affaires et recettes publicitaires de Google et Facebook 

Article 13

Cet article oblige les grands groupes numériques à contrôler les éventuelles violations de droits d'auteur ou de droits voisins dans les contenus diffusés par les utilisateurs de plateformes telles que YouTube (Google/Alphabet). Les sites internet concernés devraient donc, d'après les juristes, mettre en place des filtres automatiques.

EDiMA, l'association des plateformes (Google, Facebook, Amazon…), considère que les sites bloqueraient alors tout contenu douteux, comme des parodies ou des remix, pour ne prendre aucun risque. Le filtrage automatique risquerait donc de "paralyser l'innovation" et de "saper la liberté d'expression de millions de citoyens et d'entreprises européennes".

L'eurodéputé conservateur allemand Axel Voss, rapporteur de la directive, a introduit des éléments de compromis dans des amendements qui seront soumis mercredi.

Hyperliens et "snippets"

C'est l'un des enjeux: les droits voisins porteront-ils sur les hyperliens et les snippets?

Les hyperliens ou "liens hypertexte" sont des renvois à une autre page web grâce à un clic sur un mot, ou tout autre élément en ligne.

Pour Julia Reda, eurodéputée allemande du parti Pirate affiliée aux Verts, la réforme instituerait une taxe sur les hyperliens ("link tax") et nuirait à la liberté d'expression des internautes qui se servent de ces liens, comme les blogueurs.

Les "snippets" sont de courts extraits d'articles qui apparaissent sur les moteurs de recherche, agrégateurs d'information ou réseaux sociaux.

La Commission européenne a publié en 2016 une étude selon laquelle 47% des internautes parcourent ces "snippets" d'actualité sans cliquer dessus - et donc sans que les médias ne perçoivent les revenus publicitaires occasionnés par les visites sur leurs sites.

Value gap

Le "transfert (ou partage) de la valeur", concerne aussi bien les artistes que les journalistes.

"Certaines plateformes de partage de contenus par les utilisateurs refusent de compenser les artistes (...) d'une façon équitable et ils exploitent leur travail pour leur propre profit. Le +value gap+ c'est ce gouffre entre la valeur que ces plateformes retirent de la musique et ce qu'elles payent aux créateurs", a dénoncé l'ex-Beatle Paul McCartney dans une lettre ouverte au Parlement européen le 3 juillet.

Les éditeurs de presse, eux, reprochent aux GAFA de siphonner les revenus publicitaires sans rémunérer à leur juste valeur les contenus. Les dépenses publicitaires dans les journaux des 28 Etats membres de l'Union européenne ont baissé d'un tiers de 2009 à 2016.

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Evolution des dépenses publicitaires dans les journaux dans l'UE 

En 2015, Google a récolté 67% des 2,6 milliards d'euros de recettes publicitaires générées en France, Facebook, 12%, et la presse d'information, 5,8%. En 2010, Google en avait capté 43%.

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