Paris - Quatre mois après la conclusion de l'accord post-Brexit, la situation s'est brusquement tendue entre Londres et Paris sur la question de l'accès des pêcheurs français aux poissonneuses eaux britanniques. Jusqu'à ce point d'orgue, jeudi matin, quand plus de 50 bateaux de pêche français se sont réunis en signe de protestation devant le port de Saint-Hélier, la capitale de l'île anglo-normande de Jersey.

Ce que prévoit l'accord post-Brexit

L'accord prévoit une période de transition jusqu'à l'été 2026, date à partir de laquelle les pêcheurs européens renonceront à 25% des captures dans les eaux britanniques, l'équivalent de 650 millions d'euros par an. L'accord prévoit ensuite une renégociation annuelle.Les pêcheurs de l'UE conserveront jusqu'à l'été 2026 un accès garanti aux zones situées entre 6 et 12 milles marins au large des côtes britanniques, où ils se rendaient traditionnellement. Cette zone est réputée très poissonneuse et souvent plus calme pour naviguer. Ils doivent toutefois demander de nouvelles licences.

Les conditions d'accès des pêcheurs britanniques aux eaux françaises ne changent pas, précise à l'AFP le directeur général du comité français des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM), Jean-Luc Hall. Mais cela représente seulement une poignée de navires - des caseyeurs (bateaux utilisant des casiers) en quête de homards ou de crabes.

Ce qui coince

Le gouvernement et les pêcheurs français affirment que Londres s'affranchit de l'accord conclu dans le cadre du Brexit en durcissant les conditions d'accès des pêcheurs aux eaux britanniques.

Pour obtenir leur licence, les navires français doivent ainsi démontrer aux autorités britanniques qu'ils pêchaient déjà dans cette zone sur la période de référence 2012-2016.

Pas de souci, en principe, pour les grands navires équipés de "Vessel Monitoring System" (VMS), des "sortes de mouchards qui enregistrent les positions des navires", selon M. Hall, du Comité national des pêches. Mais c'est beaucoup plus compliqué pour les bateaux de moins de 12 mètres, pour qui cette géolocalisation n'est pas obligatoire.

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Carte localisant l'île anglo-normande de Jersey 

Autre écueil: quand un navire est récent, entré en flotte depuis 2016, il faut prouver que le bateau qu'il remplace naviguait dans les eaux britanniques, un "travail de bénédictin", décrit Jean-Luc Hall.

Selon le ministère français de la Mer, la France a jusqu'ici reçu 88 licences, sur 163 demandées, pour les pêcheurs des Hauts-de-France (nord), et 13 licences pour 40 demandées pour leurs collègues de Bretagne (ouest).

Pour pêcher à Jersey, 41 licences ont été accordées sur 344 demandes formulées. Et selon Paris, ces 41 licences s'accompagnent de nouvelles exigences "inadmissibles".

La réponse des Britanniques

Dans un communiqué mardi, le gouvernement de Jersey a assuré avoir "octroyé les licences de pêche conformément à l'accord commercial" conclu entre Bruxelles et Londres fin décembre.

Mercredi, à la veille de la manifestation des pêcheurs français, le Premier ministre britannique Boris Johnson a estimé que tout blocus potentiel des ports de Jersey "serait totalement injustifié".

Du côté des pêcheurs britanniques, la colère gronde aussi.

Sur la chaîne de télévision ITV, Don Thompson, président de l'Association des pêcheurs de Jersey, a reproché jeudi aux pêcheurs français de vouloir "pêcher sans contrainte dans nos eaux, tandis que nos bateaux sont soumis à toutes sortes de conditions sur la quantité (de poisson) qu'ils peuvent pêcher, là où ils le peuvent". Pour lui, il serait "extrêmement injuste" que le gouvernement "capitule devant cela".

La situation est d'autant plus complexe que Bruxelles et Londres n'ont toujours pas réussi à se mettre d'accord sur l'adoption de quotas de pêche pour les stocks partagés entre l'UE et le Royaume-Uni pour 2021.

"Il y a probablement du côté britannique le souhait de garder sous la main quelques moyens de pression", dans le cadre des négociations" de ces quotas, a déclaré à l'AFP Jean-Luc Hall, pour expliquer la délivrance des licences au compte-gouttes.

Par Myriam LEMETAYER

 

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