Madrid - En refusant de retenir les faits de rébellion contre l'ex-président catalan Carles Puigdemont, la justice allemande a profondément fragilisé les poursuites contre les indépendantistes en Espagne. Voici les scénarios qui s'ouvrent après ce revers.

Des indépendantistes renforcés

Cinq mois après la tentative de sécession de la Catalogne, la décision allemande porte un coup au dossier du juge espagnol en charge des poursuites contre les dirigeants indépendantistes.

Concrètement, s'il est extradé, Carles Puigdemont ne pourra plus être poursuivi pour "rébellion" suite à la tentative du rupture du 27 octobre.

Son éventuelle remise à l'Espagne ne pourra se faire que pour des soupçons de "détournement de fonds", passibles au maximum de 12 ans de prison.

Ses avocats et ceux des 12 autres dirigeants indépendantistes poursuivis par rébellion, dont neuf sont en détention provisoire, en profiteront pour exiger leur libération.

Ailleurs en Europe, l'Espagne pourrait affronter des décisions similaires mauvaises pour son image, selon le professeur de droit constitutionnel Xavier Arbos.

"Cela peut servir de référence" dans d'autres procédures judiciaires visant les indépendantistes catalans en fuite en Belgique, en Suisse et au Royaume-Uni, estime-t-il.

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Le chef indépendantiste catalan Carles Puigdemont

Retour en Espagne?

Le tribunal allemand peut à ce stade prendre deux décisions: remise à l'Espagne ou non.

Dans le cas où il serait remis à l'Espagne, Carles Puigdemont luttera pied à pied pour ne pas être incarcéré.

S'il n'est poursuivi que pour "malversation de fonds", il a des arguments, selon différents avocats.

Avant lui des personnalités de droite et de gauche poursuivies dans des affaires de corruption ont échappé à la prison dans l'attente d'un jugement définitif.

Dans l'attente d'une éventuelle décision définitive, Carles Puigdemont pourrait à nouveau être candidat à la présidence de la Catalogne. Les indépendantistes ont obtenu une nouvelle fois, en décembre, la majorité en sièges au Parlement régional, mais n'arrivent pas à investir un président car les différents candidats proposés sont soit à l'étranger, soit en prison.

Si la justice allemande refuse de l'extrader, M. Puigdemont obtiendrait une victoire "politique", mais resterait contraint à l'exil ou à la fuite, car en rentrant en Espagne il serait immédiatement arrêté.

La décision allemande, à ce stade, "renforce son leadership", estime Xabier Arbos.

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Chronologie de la crise politique en Catalogne

Riposte judiciaire

Le juge en charge du dossier à la Cour suprême pourrait une nouvelle fois renoncer à son mandat d'arrêt, pour ne pas fragiliser tout son dossier.

Mais à ce stade, selon un haut magistrat, la solution n'est pas envisagée.

Il pourrait demander à la Cour de justice de l'Union européenne de trancher.

Vendredi le juge a fait savoir qu'il étudiait "la possibilité de poser une question préjudicielle à la CJUE".

Cette "question préjudicielle" pourrait servir à départager un éventuel débat entre juges espagnols et allemands.

Rajoy, encore en difficulté

Des éditoriaux dénonçaient une nouvelle fois vendredi l'inaction politique du gouvernement conservateur de Mariano Rajoy, au pouvoir depuis 2011, face à la montée de l'indépendantisme en Catalogne depuis 2012.

"Si la justice est dans cette situation, c'est parce que M. Rajoy lui a délégué une responsabilité qui aurait dû être la sienne", déclare à l'AFP le philosophe et éditorialiste Josep Ramoneda. Le dossier de l'indépendantisme catalan "doit être réglé par Rajoy", insiste-t-il.

Une critique formulée à gauche mais aussi au sein du camp conservateur, et ouvertement par le parti de centre-droite Ciudadanos.

Le président du quotidien El Pais a décrit cette semaine un Mariano Rajoy "se cachant derrière les décisions judiciaires et sans rien à offrir à la dissidence" catalane.

Au risque de fâcher ceux qui souhaitent un dialogue et surtout des électeurs de droite qui se détournent vers Ciudadanos, partisan d'une recentralisation de l'Espagne, à un an avant les élections régionales et locales de 2019.

Le dossier catalan bloque déjà le gouvernement espagnol, en minorité au Parlement, où même les nationalistes conservateurs basques, le PNV, lui refusent leur soutien en lui reprochant sa politique "repressive". Il n'a ainsi pas encore obtenu le vote du budget pour 2018.

Par Michaela Cancela-Kieffer

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