Paris - Les ministres des Finances du G7, réunis vendredi et samedi à Londres, doivent acter la mise en place d'une réforme ambitieuse de la fiscalité des multinationales, dont la contribution au budget des Etats n'a cessé de reculer depuis 40 ans au bénéfice des paradis fiscaux.

Quelques éléments pour comprendre ce chantier très diplomatique et hautement technique, censé mettre fin à l'optimisation fiscale des géants de l'économie mondiale.

POURQUOI ?

En 2017, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a été mandatée par le G20 pour lutter contre "l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices" (BEPS).

En clair, les stratégies d’optimisation qui permettent aux grandes entreprises d’échapper en grande partie à l’impôt.

Les négociations ont été relancées par une proposition de l'administration Biden de fixer un taux de 15% minimum. Et aussi par la pandémie de Covid-19: les Etats cherchent de nouvelles recettes après avoir déployé des plans de relance pharaoniques.

Le scénario rappelle celui de la crise de 2008, qui avait conduit le G20 à proclamer la fin du secret bancaire. L'OCDE avait alors mis en place un vaste système d'échange automatique de données, forçant les grandes fortunes - et leurs banques - à soumettre leurs comptes en Suisse et ailleurs à l'examen du ficsc.

 

COMMENT ?

En empêchant les entreprises de se retrancher derrière leur "établissement fiscal" dans tel ou tel pays particulièrement accueillant, déconnecté de leur activité réelle.

La réforme comporte deux "piliers".

Le "pilier 1" vise à répartir équitablement entre les pays les “droits à taxer” les profits des multinationales, sachant qu'une entreprise comme la major pétrolière BP est présente dans 85 pays.

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Liste noire et liste grise des paradis fiscaux établie par l'Union européenne 

Les Etats devront s'entendre sur un niveau de "surprofit" à redistribuer en fonction du chiffre d'affaires réalisé dans chaque pays.

Le "pilier 2" consiste à instaurer un impôt mondial minimal afin de s'assurer que quel que soit le lieu de son implantation, une multinationale ne paye pas moins.

 

QUEL TAUX?

Les Etats-Unis avaient mis la barre relativement haut, à 21%, avant de mettre sur la table un taux plus consensuel d'"au moins 15%".

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Graphique comparant les taux d'impôt sur les bénéfices des sociétés dans les pays de l'OCDE, alors que les Etats-Unis proposent un taux minimum mondial de 15% 

Les économistes Gabriel Zucman et Thomas Piketty jugent ce taux "ridiculement faible" sachant que le taux moyen d'impôt sur les sociétés (IS) dans le monde est de 22%, contre 50% en 1985.

En dessous de 15%, selon des données de l'OCDE:  les paradis fiscaux dont le taux est nul, comme Jersey, Guernesey, les Bahamas, les Bermudes, les îles Caïman mais aussi les Emirats arabes unis et Bahreïn. En Europe: l'Irlande (12,5%), la Hongrie (9%) et la Bulgarie (10%).

Dans certains pays, le taux annoncé peut être élevé, comme au Luxembourg (25%) ou à Malte (35%), mais assorti de multiples exemptions qui réduisent considérablement la facture finale.

 

QUELLES ENTREPRISES ?

Pas la PME du coin de la rue, exclusivement les très grandes entreprises aux filiales et succursales multiples à travers le monde, et aux chiffres d'affaires gigantesques. Celles qui ont les moyens de mettre en place des circuits sophistiqués pour réduire leur charge fiscale.

Au départ, le pilier 1 de la réforme ciblait les entreprises du numérique, dont les fameux Gafa américains (Google, Amazon, Facebook, Apple), ce qui déplaisait aux Etats-Unis.

La nouvelle proposition américaine est "de prendre les vainqueurs de la mondialisation, soit les 100 entreprises les plus profitables au monde, qui réalisent à elles seules la moitié du profit mondial", a expliqué à l'AFP Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE.

Parmi elles figurent évidemment les Gafa, dont les bénéfices se sont encore accrus à la faveur de la pandémie, mais pas seulement.

Concernant le pilier 2, l'impôt minimal mondial, moins de 10.000 grandes entreprises seraient concernées, selon l'OCDE.

 

COMBIEN DE RECETTES FISCALES?

L'OCDE a chiffré le gain à 81 milliards de dollars par an, sur la base d'un taux de 12,5% pour le pilier 2.

Selon l'Observatoire européen de la fiscalité, si l'Union européenne appliquait un taux de 25%, elle augmenterait de moitié ses recettes actuelles d'IS.

Pour les entreprises, une estimation n'est possible que pour celles qui acceptent de publier leurs bénéfices dans chacun des pays où elles opèrent, ce qui n'est pas le cas des Gafa.

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Graphique montrant la part des impôts sur les successions et donations dans les recettes fiscales pour les pays de l'OCDE. L'OCDE recommande de les augmenter pour lutter contre les écarts de richesse. 

D'après l'Observatoire européen de la fiscalité, si un taux de 25% était appliqué, les banques européennes devraient payer 44% de taxes supplémentaires, et des entreprises telles que Shell, Iberdrola ou Allianz entre 35 et 50% de plus.

L'accord intervenu mardi à Bruxelles sur une nouvelle directive obligeant les entreprises à un "reporting public pays par pays" de leurs profits, qui renforce la transparence fiscale, devrait faciliter la mise en oeuvre de la réforme.

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