Washington - Les Etats-Unis devraient dans les jours qui viennent généraliser l'accès à une dose de rappel de vaccin anti-Covid. En Europe, l'Allemagne vient de prendre cette décision.

Dans un contexte de reprise épidémique, beaucoup de scientifiques considèrent qu'il est en effet temps. Mais certains expriment des réserves, sachant que le vaccin en deux doses reste très efficace contre les cas graves de la maladie et les décès. Le point sur les différents arguments.

 

- Pourquoi maintenant? -

Les rappels ont été un sujet de dispute entre les experts.

Un comité consultatif de l'Agence américaine des médicaments (FDA) avait voté en septembre contre un rappel accessible à tous, et resserré les critères d'éligibilité à certaines catégories de population seulement (les plus âgés, fragiles ou exposés).

Qu'est-ce qui a changé entre temps?

Pour Vincent Rajkumar, professeur à la Mayo Clinic à Rochester, dans l'Etat américain du Minnesota, l'un des principaux nouveaux arguments est l'essai clinique mené par Pfizer sur 10.000 personnes de 16 ans et plus. Il a montré que l'efficacité après une dose de rappel remontait à 95,6% contre les formes symptomatiques de la maladie.

Il y a aussi l'exemple d'Israël, qui a combattu la vague causée par le variant Delta à l'aide d'une vaste campagne de rappel.

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Nombre de nouvelles contaminations recensées en Europe sur les sept derniers jours, par pays et tendance par rapport à la semaine précédente, au 17 novembre 

Plus récemment, des données britanniques sur des personnes de plus de 50 ans ont montré que l'efficacité du vaccin après une dose de rappel dépassait le niveau de protection atteint après les deux doses initiales.

"La réponse purement scientifique à la question +est-ce que les rappels fonctionnent?+ est oui, il n'y a aucun doute", pose le professeur.

Il se dit également inquiet par les cas de Covid-19 chez les personnes vaccinées.

Même si celles-ci ont beaucoup moins de chance de mourir ou d'être hospitalisées, de nouvelles données au Minnesota montrent que "les décès parmi les personnes vaccinées ne sont pas au nombre de zéro".

Actuellement: environ un décès pour 100.000 personnes par semaine (comparé à 14 pour 100.000 parmi les personnes non vaccinées). Celles les plus à risque de mourir malgré leur immunisation sont les plus âgées et les personnes immunodéprimées, par exemple celles atteintes d'un cancer ou ayant subi une greffe d'organe.

"Si je tombe malade bien que je sois vacciné, c'est un risque pour elles -- et c'est pour ça que si je ne suis pas infecté, c'est une bonne chose", résume Vincent Rajkumar.

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Les différentes étapes nécessaires au calcul de l'efficacité d'un vaccin

- Réserves -

Tous les experts ne sont pas si enthousiastes.

Celine Gounder, une infectiologue et professeure à l'université de New York, aimerait elle voir plus de preuves de l'immunité acquise sur le long terme avec ces rappels.

Pour elle, le débat vient du manque de consensus autour du but recherché: "Est-ce que vous essayez d'empêcher les cas graves, les hospitalisations et les morts? Ou essayez-vous d'empêcher l'infection et la transmission?"

Mais dans les deux cas, les rappels ne sont pas nécessairement la réponse la plus adaptée, selon la spécialiste.

La meilleure manière de réduire les issues les plus graves est de réduire le taux de transmission, en vaccinant les non-vaccinés.

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Liste des publics concernés par la dose de rappel du vaccin anti-Covid-19 et par la désactivation du pass sanitaire en France 

Et tout le monde est déjà d'accord pour que les personnes âgées ou immunodéprimées, les plus à risque, reçoivent un rappel.

Pour Celine Gounder, il est par ailleurs irréaliste de penser que les rappels bloqueront toute transmission, notamment à cause de la période d'incubation rapide du virus.

Promouvoir une dose de rappel peut en outre se révéler contre productif vis-à-vis des sceptiques, qui tendent à en conclure que les vaccins sont inefficaces.

Un autre risque est le nombre accru de myocardite après l'injection d'un vaccin à ARN messager, notamment parmi les jeunes hommes (un effet secondaire qui reste toutefois rare).

La spécialiste n'exclut pas de soutenir une série en trois doses pour tous à un moment, ou une autre combinaison (deux doses plus espacées, rappels réguliers...). Mais selon elle, cela doit être étudié de façon plus exhaustive.

 

- Equité -

Les experts s'accordent en tout cas pour dire que les rappels à eux seuls ne peuvent mettre un terme à la pandémie, au moment où les pays les plus pauvres, notamment en Afrique, en sont encore à un très faible taux de vaccination.

La semaine dernière, le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, s'est offusqué qu'il y ait chaque jour six fois plus de doses de rappel injectées dans le monde que le nombre de doses initiales injectées quotidiennement dans les pays à faible revenu.

"Cela serait vraiment déplorable si après tout notre travail de vaccination, on se retrouvait à revenir en arrière à cause d'un variant émergeant ailleurs dans le monde", relève Celine Gounder.

Par Issam Ahmed

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