Paris - La Russie est-elle derrière les cyberattaques contre l'Ukraine le 14  janvier ? Si oui, pourquoi ? Sinon, qui ? Ces atteintes, qui soulèvent beaucoup de questions sur leurs auteurs et leurs intentions, confirment en tout cas leur place majeure dans les crises géopolitiques contemporaines.

Avant même que de quelconques preuves ne soient rassemblées, la Russie, soupçonnée par les Occidentaux de préparer l'invasion de son voisin, est dans leur viseur après le blocage de sites internet gouvernementaux ukrainiens.

"L'attaque ne peut être imputée, car on n'a pas de preuves, mais on peut imaginer" qui est derrière, a souligné Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne, en convoquant "une réunion d'urgence des ambassadeurs du comité politique et de sécurité de l'UE".

L'Otan a annoncé peu après la signature avec l'Ukraine d'un accord sur le renforcement de leur coopération contre les cyberattaques.

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- Qui est derrière l'attaque ? -

Cependant, l'attribution de telles attaques est d'une grande complexité. Il est possible d'identifier une méthode et une langue, un ordinateur et éventuellement sa localisation. Mais comment savoir qui était assis derrière et pour quel donneur d'ordre ?

John Hultquist, un responsable de l'analyse du renseignement de la société de cybersécurité Mandiant, estime que "cet incident pourrait venir d'acteurs gouvernementaux, d'acteurs au service de gouvernements ou d'éléments de la société civile indépendants".

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Il est possible d'identifier une méthode et une langue, un ordinateur et éventuellement sa localisation. Mais comment savoir qui était assis derrière et pour quel donneur d'ordre ?
AFP/Nicolas Asfouri

L'opération est techniquement assez simple à exécuter "même si un incident frappant plusieurs cibles en même temps peut apparaître de prime abord comme une opération complexe et avancée", explique-t-il à l'AFP, invitant à "ne pas surestimer" la capacité nécessaire à la mise en oeuvre de cette attaque.

Dans un rapport paru en juin dernier, l'Institut international pour les études stratégiques (IISS) de Londres relevait que la plupart des Etats gardaient le contrôle de leurs capacités cyberoffensives.

Mais, ajoutait-il, "certains gouvernements – Russie et Iran en particulier - sont plus tolérants avec les +hackers patriotiques+ et groupes cyber-criminels opérant de leur territoire, parfois même en coordination avec eux".

 

- L'inexorable montée du cyber -

Les réactions immédiates de l'UE et de l'Otan témoignent de ce que, dans toutes les chancelleries et états-majors du monde entier, le cyber est considéré comme un élément majeur du nouvel ordre du monde.

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Le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, le 12 janvier 2022 à Bruxelles
AFP/John Thys

"D'un nouvel espace de conflictualité, nous en sommes aujourd'hui à nous interroger sur l'existence d'une guerre froide dans le cyberespace", déclarait en septembre la ministre française des Armées Florence Parly.

Dans son rapport, l'IISS constatait aussi que le cyberespace était devenu, "peut-être de façon inévitable, un nouvel environnement clé et risqué de la politique et de la compétition entre Etats au XXIe siècle".

Selon l'institut, les Etats "n'en sont qu'aux prémisses de leur compréhension du phénomène".

D'autant qu'"une attaque cyber peut précéder une attaque de haute intensité, mais elle peut aussi être combinée à des moyens plus conventionnels pendant les opérations", relève Julien Nocetti, chercheur à Geode, l'institut de recherche du numérique de l'université Paris 8.

- Le conflit 3.0 -

De fait, la numérisation du monde a été plus rapide que la mise en place de défenses adaptées. De quoi dessiner un boulevard pour la guerre cyber.

"C'est la nouvelle réalité, un monde dans lequel les piratages - et toutes les autres formes d'attaques non-cinétiques, de la désinformation à la subversion - se combinent avec un conflit cinétique ou en constituent une alternative", estime Mark Galeotti, un chercheur spécialiste de la Russie.

"L'enjeu particulier est que, comme en Ukraine aujourd'hui, on ignorera souvent, jusqu'à ce qu'il soit trop tard, si ces méthodes sont ou non utilisées dans le cadre d'une opération militaire".

Car c'est justement parce qu'une cyberattaque est difficile à attribuer qu'elle entretient le flou sur les intentions de son auteur.

"Le cyber contribue vraiment à brouiller les repères traditionnels entre la guerre et la paix", estime Julien Nocetti. En l’occurrence, en Ukraine, "on ne sait pas très bien dans quelle phase on se trouve".

L'incident devrait en tout cas, selon lui, tendre les discussions entre Moscou et Washington en faveur d'un cyberespace protégé par des normes.

"On va repartir vers un positionnement plus conflictuel des deux parties vis-à-vis de ce dossier, un des plus chauds du moment avec l'enjeu de la maîtrise des armements", estime ce chercheur.

Par Didier Lauras

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