"On attend de voir": le revers électoral subi le 19 juin par le président Emmanuel Macron pourrait conduire à un affaiblissement de l'influence de la France sur la scène européenne dont l'amplitude reste pour l'heure difficilement mesurable, soulignent analystes et observateurs.

Depuis son élection en 2017 et plus encore depuis le départ de la chancelière allemande Angela Merkel fin 2021, M. Macron s'est imposé comme l'homme fort de l'Union européenne, multipliant les initiatives en faveur de sa relance sur fond de montée des nationalismes et de progression des partis populistes et eurosceptiques.

Sa réélection pour cinq ans le 24 avril face à la candidate de l'extrême droite Marine Le Pen avait dans ce contexte été saluée par les capitales européennes, qui avaient insisté sur "le besoin d'une Europe forte et solidaire" face aux défis aussi bien géopolitiques que climatiques.

Moins de deux mois plus tard, c'est la douche froide: le camp de M. Macron ressort sonné des élections législatives, privé de majorité absolue, de marge de manœuvre pour gouverner et réformer, et confronté à une percée historique de l'extrême droite.

Ces résultats "affectent la crédibilité politique du président" et par ricochet, ont "un impact négatif sur son influence sur la scène européenne", analyse Thierry Chopin, conseiller spécial à l'institut de recherche européen Jacques Delors.

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(g-d) Le président roumain Klaus Iohannis, le président ukrainien Volodymyr Zelensky, le chancelier allemand Olaf Scholz, le président français Emmanuel Macron, et le chef du gouvernement italien Mario Draghi, le 16 juin 2022 à Kiev
AFP/Sergei Supinsky

Certes, "d'un strict point de vue institutionnel les questions européennes restent une prérogative forte du président et il va conserver un pouvoir important dans ce domaine", développe-t-il. Mais "si le gouvernement et le président sont gênés, voire empêchés, de mener à bien des réformes structurelles attendues par leurs partenaires européens, cela pourrait avoir un effet négatif".

Même analyse à Rome où l’eurodéputé italien et ex-secrétaire d'Etat aux Affaires européennes Sandro Gozi ne s'attend pas "dans l'immédiat" à voir un changement de "l'action extérieure de Macron".

"Un changement de la politique étrangère française est presque impossible mais un affaiblissement est probable", complète Paolo Mattera, professeur d’histoire contemporaine à l’Università Roma Tre.

Au lendemain du scrutin, l'heure est plus aux conjectures qu'aux certitudes tant il est difficile de dire avec précision quel en sera l'impact, alors que la France assure la présidence tournante de l'UE jusqu'au 30 juin.

De nombreuses questions restent en suspens, notamment sur le rôle qu'entend jouer le Rassemblement national (extrême droite) ou la gauche radicale dans les débats à venir sur l'UE.

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Marine Le Pen (c), leader du Rassemblement national (RN), entourée par les députés RN élus à l'Assemblée nationale, le 22 juin 2022 à Paris
AFP/Alain Jocard

"On voit des tendances dans d'autres Etats membres où un certain nombre de forces ont tendance à détruire l’UE de l’intérieur", relève Tara Varma, du think tank European Council on Foreign Relations (ECFR).

"C’était le programme affiché par (la candidate d'extrême droite) Marine Le Pen quand elle voulait être présidente; aujourd'hui, avec près de 90 députés, est-ce que lutter contre l'UE va rester le cœur de son action? C’est une question que se posent beaucoup d’Européens", ajoute-t-elle.

- "Pas de cadeau" -

Si le RN décide d'engager un bras de fer, les échanges pourraient être musclés, que ce soit sur la question de la potentielle révision des traités européens, la transposition des directives ou encore la ratification d'accords commerciaux.

"Il va y avoir fort à faire avec des groupes qui ne sont pas connus pour leur sympathie européenne", confirme Pascale Joanin, de la Fondation Robert Schuman.

Pour Thierry Chopin, "aucune des forces d'opposition" n'a "d’intérêt politique à faire de cadeau au président sur les sujets européens" compte tenu des élections européennes de 2024 à venir.

Mais, tempère-t-il, "ce n’est pas parce que l'Assemblée nationale est ce qu’elle est aujourd'hui" que l'agenda européen de M. Macron "va être absolument bouleversé, cela risque juste d'être plus complexe et prendre plus de temps qu'avant".

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Cela pourrait être notamment le cas sur la question sensible de l'élargissement du bloc à de nouveaux Etats membres.

Sur ce point, le RN pourrait "imposer un débat politique qui serait aux antipodes du gouvernement actuel", relève Tara Varma, au "risque de créer de la confusion" et de brouiller le message en provenance de France.

Une fois la période d'adaptation passée, il n'est toutefois pas exclu que l'exécutif parvienne à limiter la casse, comme d'autres pays européens où le poids du Parlement et les recherches de coalition sont le lot quotidien depuis des décennies.

Pour un diplomate européen, "cela pourrait être un mal pour un bien".

"On a pu reprocher à la France de ne pas trop écouter les autres, d'agir de manière solitaire et d'essayer de créer le consensus ensuite", souligne-t-il. "Là Emmanuel Macron va être obligé de dialoguer davantage avec les autres forces politiques en France. Et cela pourrait le faire dialoguer davantage avec les États membres".

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