Paris - La course aux technologies pour extraire de l’atmosphère le CO2 responsable du changement climatique est lancée, la perspective d’atteindre les objectifs de l'accord de Paris pour contenir le réchauffement s’éloignant de plus en plus.
Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, réduire les émissions de gaz à effet de serre ne suffira pas. Même les scientifiques les plus sceptiques le reconnaissent. Pour limiter le réchauffement bien en-deçà de +2°C par rapport à l'ère pré-industrielle, nous aurons besoin aussi de l'"élimination du dioxyde de carbone" (EDC) directement dans l'atmosphère, aussi appellée "émissions négatives".
Qu'est-ce que l'élimination du CO2 ?
Il existe deux groupes de méthodes pour capter le CO2 émis dans l'atmosphère.
D'abord, les "solutions basées sur la nature": renforcer les capacités naturelles de la Terre à absorber et stocker le carbone, en restaurant les forêts et les mangroves, en plantant des arbres à une échelle industrielle, en stimulant les capacités d'absorption de l'océan.
Le deuxième chemin, le captage direct dans l'air, implique des processus chimiques pour extraire le CO2, avant de le recycler lors d'une utilisation industrielle, ou de l'enfermer dans le sous-sol (roches poreuses, aquifères ou encore gisements de charbon abandonnés).
Il existe aussi une variation qui combine les deux méthodes: la bioénergie avec captage et stockage de dioxyde de carbone (connue sous l'acronyme anglais BECCS). On plante des végétaux qui absorbent du CO2 pendant leur croissance, puis on brûle cette biomasse pour produire de la bioénergie tout en captant le CO2 dégagé lors de cette combustion pour le stocker.
Quand la quantité de CO2 captée est supérieure à la quantité émise, alors le procédé devient une technologie d'"émissions négatives".
En avons-nous vraiment besoin ?
Oui, et pour plusieurs raisons.
Même si le monde parvenait à réduire ses émissions, certains secteurs, comme le ciment et l'acier, l'aviation long-courrier et l'agriculture resteraient des émetteurs, empêchant d'atteindre la neutralité carbone.
"Il y aura des émissions résiduelles et les chiffres pourraient être élevés", explique Oliver Geden, de l'Institut allemand pour les affaires internationales et la sécurité. "Personne n'est certain de ce dont nous aurons besoin en 2050".
D'autre part, le dernier rapport des experts climat de l'ONU (Giec) met en garde contre le risque d'atteindre le seuil de +1,5°C autour de 2030. Mais on pourrait repasser ensuite sous ce seuil d'ici 2100 en captant du CO2 dans l'atmosphère.
En pratique
Les BECCS ont été introduites dans les modèles du Giec il y a plus de dix ans, considérées alors en théorie comme le processus d'émissions négatives le moins couteux, mais elles ne se sont pas vraiment développées depuis.
"Je ne m'attends pas à un boom des Beccs", note Oliver Geden.
Un des problèmes est lié à la question de la disponibilité des terres. En 2019, une étude avait suggéré de compenser les émissions en plantant 1.000 milliards d'arbres, s'attirant les critiques d'experts soulignant qu'il faudrait pour cela convertir une surface deux fois plus grande que l'Inde en monoculture d'arbres.
Parmi toutes les méthodes d'éliminations du carbone, le captage direct dans l'atmosphère est parmi les moins développées mais fait beaucoup parler.
Entre "brochures brillantes" et "technologie sophistiquée", "c'est une technologie tellement sexy", commente Glen Peters, du Centre pour la recherche internationale sur le climat.
Echelle industrielle ?
En réalité, l'extraction dans l'air à une échelle industrielle nécessite une énorme utilisation d'énergie. Et la technologie existante est très loin d'être en mesure de s'attaquer réellement au problème.
Par exemple, la plus grande usine mondiale de captage de CO2 dans l'air démarrée en septembre en Islande peut en extraire 4.000 tonnes par an, soit l'équivalent de 3 secondes du volume d'émissions annuelles mondiales (40 gigatonnes).
Selon une étude publiée en 2021, si on investissait dès maintenant 1.000 milliards de dollars par an dans cette technologie, le captage direct pourrait permettre d'éliminer deux gigatonnes de CO2 par an d'ici 2050.
Une hypothèse qui, couplée à une baisse drastique des émissions, n'empêcherait pas de dépasser +2°C, mais qui permettrait de revenir ensuite à +1,7°C d'ici 2100, insistait l'étude, estimant ainsi, qu'un déploiement massif de cette technologie "ne peut se substituer à la baisse des émissions".
Cette extraction directe a récemment reçu une vague de soutien de grandes entreprises. Avec le risque que certaines se concentrent sur cette hypothèse à venir plutôt que sur la réduction de leurs émissions, s'inquiète Glen Peters.
Impact sur les négociations ?
La question des émissions négatives commence à entrer dans l'arène politique et pourrait devenir un sujet de contentieux lors de la conférence climat de Glasgow COP26 en novembre et au-delà, selon les experts.
L'Inde et la Chine ont ainsi appelé les pays riches à aller au-delà des engagements à la neutralité carbone pour 2050. "Les pays du Sud réclament que les pays industrialisés deviennent émetteurs négatifs", note Oliver Geden.
Et les experts leur font écho. "Parvenir à la neutralité carbone en 2050 n'est plus suffisant pour assurer un avenir sûr pour l'humanité", a estimé David King, président du Climate Crisis Advisory Group, plaidant pour des "stratégies vers des émissions négatives".
Par Marlowe Hood
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