Paris - La limite de 1,5°C pour le réchauffement climatique est devenue une référence pour les négociateurs internationaux, les gouvernements ou les entreprises. Il y a seulement 15 ans, l'idée semblait pourtant folle et inutile.

Elle n'était alors défendue que par quelques États insulaires inquiets de la montée du niveau des mers qui menaçait leur existence. Mais cette limite semblait irréaliste aux yeux de la plupart des scientifiques et le chiffre de 2°C avait les faveurs de la plupart.

Les experts d'un groupe de travail de l'ONU ont toutefois commencé à sonner l'alarme avant la COP21 de Paris en 2015, soulignant les effets catastrophiques d'un tel réchauffement pour la planète et la nécessité d'une ambition rehaussée.

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"Même si la science est moins robuste concernant la limite de 1,5°C, des efforts devraient être accomplis afin d'abaisser la ligne de défense aussi bas que possible", prônaient-ils à l'époque.

Une idée qui a fini par faire son chemin, avec le soutien de pays en développement, rejoints par l'Union européenne puis les Etats-Unis. Mais d'autres pays émergents et des exportateurs de pétrole s'opposaient à cette nouvelle cible, craignant de brider leurs économies.

"La Chine et l'Inde étaient opposées, l'Arabie saoudite s'est battue contre nous bec et ongles jusqu'à la fin", se souvient Saleemul Huq, directeur du Centre international sur le changement climatique et le développement à Dhaka, et ardent défenseur des nations les plus vulnérables.

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Mais la suite appartient à l'histoire. Fin 2015, près de 200 pays adoptent l'accord de Paris.

Son objectif est de maintenir "l'augmentation de la température moyenne mondiale bien en dessous de 2°C au-dessus des niveaux préindustriels" et de poursuivre les efforts "pour limiter l'augmentation de la température à 1,5°C".

Ce chiffre est depuis devenu une référence absolue, que ce soit dans les négociations climatiques ou même dans les promesses, plus ou moins étayées, des multinationales.

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- "Un fouet" -

Un succès improbable qui suscite encore des interrogations. "Comment une cible quasi impossible s'est-elle retrouvée comme point de référence pour l'action climatique?" se demande ainsi la sociologue Béatrice Cointe, sociologue au CNRS.

Car c'est l'un des paradoxes de cette histoire: alors que le monde s'est déjà réchauffé de près de 1,2°C, avec des conséquences graves, la limite de 1,5°C semble en voie d'être atteinte.

"Cette cible semble de plus en plus inatteignable", a souligné Béatrice Cointe dans un article publié par WIREs Climate Change, co-écrit avec l'historienne des sciences Hélène Guillemot. Et pourtant les appels à la conserver "sont de plus en plus forts", observent-elles.

Les experts de l'ONU sur le climat (le Giec) ont déjà écrit que le monde risquait de vivre sa première année à 1,5°C ou plus d'ici à 10 ans, même dans un scénario de baisse soutenue des émissions de gaz à effet de serre.

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Mais cette limite, aussi difficile à respecter soit-elle, est essentielle. Dans un rapport de 2018 qui a fait l'effet d'une bombe, les experts du Giec ont montré comment un demi-degré pouvait faire toute la différence: un monde à 1,5°C serait certes transformé mais vivable, tandis qu'à 2°C le système climatique s'emballerait et laisserait peu de marges à l'humanité pour s'adapter.

Le Giec insiste aussi sur le fait que le chiffre de 1,5°C reste réaliste - même si cela signifie dépasser cette température temporairement et la baisser ensuite en parvenant à extraire des milliards de tonnes de CO2 de l'atmosphère à l'aide de technologies aujourd'hui pas encore capables d'un tel exploit à grande échelle.

Mais l'argument n'est pas tant technique que politique ou moral, avancent certains. "C'est notre instrument, un fouet pour faire avancer les gens plus vite", confiait Saleemul Huq peu après la signature de l'accord de Paris.

Piers Forster, coauteur de rapports du Giec et chercheur à l'université de Leeds, décrit la limite de 1,5°C comme "une tâche immense mais pas impossible".

"Espérons que le nouveau rapport du Giec puisse souligner l'urgence à agir", dit-il à l'AFP. "Mais si on l'ignore, nous allons devoir abandonner les 1,5°C".

Par Marlowe Hood

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