Oslo (Norvège) - Le changement climatique dû aux activités humaines devrait se traduire en Europe du Nord par des vagues de froid extrême plus rares mais, paradoxalement, potentiellement plus dangereuses, selon une étude publiée le 31 janvier.

La Finlande, la Suède et la Norvège ont connu en janvier une vague de grand froid qui a fait tomber des records: -44,6°C enregistrés dans la localité de Vittangi (nord de la Suède), soit le plus bas relevé dans ces trois pays depuis le début du siècle, et un mercure pour la première fois en dessous des -30°C (-31,1°C) à Oslo.

Le vortex polaire (archives 2021)

Liés à des flux d'air arctique, ces épisodes ont fortement perturbé les transports, endommagé les canalisations d'eau, entraîné la fermeture d'écoles et fait bondir les prix de l'électricité, source de chauffage répandue dans la région.

Sans le réchauffement d'origine anthropique, les températures enregistrées auraient été environ 4°C plus froides, selon la nouvelle étude des scientifiques du World Weather Attribution (WWA).

Sur une planète 1,2°C plus chaude qu'à l'ère pré-industrielle, de tels épisodes se raréfient en Europe du Nord: aujourd'hui, une vague de froid de cinq jours et une journée de froid extrême y sont respectivement cinq fois et douze fois moins probables, selon cette équipe de 19 chercheurs internationaux.

"Les vagues de froid deviennent moins intenses et moins fréquentes mais ce n'est pas une raison pour se réjouir", met en garde Izidine Pinto, de l'Institut météorologique néerlandais. 

Finlande: les habitants d'Helsinki réagissent à la vague de froid

- Populations vulnérables -

Parmi les risques relevés par ces scientifiques, celui que les pays nordiques, aujourd'hui rompus au grand froid, ne baissent la garde.

"Les vagues de froid restent un risque important pour la région", souligne Dorothy Heinrich, conseillère en risques climatiques au Centre climatique de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. 

"Même si elles surviennent moins fréquemment en moyenne, celles à venir pourraient potentiellement avoir un impact plus important si la perception du risque et (le niveau de) préparation diminuent", dit-elle.

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Un ferry navigue dans le fjord d'Oslo, en Norvège, par des températures inhabituellement froides, proches de -22°C, le 5 janvier 2024. Photo: AFP/Olivier Morin

Comme les autres épisodes météorologiques extrêmes, elles pourraient en particulier avoir des conséquences fatales pour les populations les plus fragiles qu'il est crucial de protéger.

"Les personnes âgées, les enfants, celles qui vivent dans des logements précaires, et celles qui font face à la précarité énergétique ou sont sans domicile sont particulièrement vulnérables à ces températures froides", note Dorothy Heinrich.

Les fluctuations en dessous et au-dessus de 0°C sont aussi porteuses de problèmes.

"Le gel et le dégel constants de l'eau posent des défis pour l'infrastructure et la sécurité routière", note Erik Kjellström, climatologue à l'Institut météorologique et hydrologique suédois. 

"Cela peut également créer un manteau neigeux plus stratifié qui augmente le risque d'avalanches et réduit l'accès à la nourriture pour les rennes et d'autres animaux", ajoute-t-il.

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La glace recouvre les eaux au large de Stockholm, en Suède, le 31 janvier 2024 Photo: AFP/Ludovic Morin

- 'Amplification arctique' -

Au nord de ces pays nordiques, la montée globale des températures entraîne une diminution des glaces marines qui, à son tour, contribue à accélérer le réchauffement dans la région.

Selon une étude publiée en 2022 par des chercheurs finlandais et norvégiens, l'Arctique s'est réchauffé près de quatre fois plus vite que le reste du monde depuis 1979, un phénomène connu sous le nom d'"amplification arctique".

Le réchauffement rapide de l'Arctique (Archives 2022)

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"Tant que nous n'abandonnerons pas les combustibles fossiles et ne réduirons pas les émissions à zéro net, le changement climatique continuera de faire de la Terre un endroit plus difficilement habitable", fait valoir Sjoukje Philip, de l'Institut météorologique néerlandais.

A la COP28 de Dubaï en décembre, la communauté internationale s'est entendue pour sortir graduellement des énergies fossiles. 

Mais les pays producteurs d'hydrocarbures --y compris la Norvège-- continuent à attribuer des permis d'exploration pétro-gazière qui promettent encore de beaux jours à l'industrie.

Par Pierre-Henry Deshayes. Infographie  (archives, 2022) de Valentin Rakovsky et Paz Pizarro. Vidéographie (archives, 2021) d'Emmanuelle Baillon