Paris - Trop peu d'heures de français, un niveau trop faible et une formation civique indigeste: la France ne donne pas aux étrangers qu'elle admet sur son sol les moyens de s'intégrer, selon un rapport sénatorial publié le 6 septembre.

"Notre système n'intègre pas. Il laisse les gens sur le carreau", résume à l'AFP Roger Karoutchi, le rapporteur pour qui le Contrat d'intégration républicaine (CIR), lancé l'an dernier pour remplacer un autre dispositif institué en 2007, "ne marche pas". Le CIR a été suivi par 26.000 personnes l'an dernier.

Emmanuel Macron, qui compte faire de l'intégration sa priorité pour les étrangers en situation régulière, avait lui-même dressé, le 5 septembre, le "constat cruel" d'une politique qui "manque d'ambition et de moyens".

"Nous sommes moins bons que la plupart de nos collègues européens pour apprendre la lecture rapidement, intégrer dans le marché du travail ou dans les filières qui permettent de trouver une place dans la société", a reconnu le président, avant de charger un parlementaire d'une mission visant à refonder la politique d'intégration en privilégiant "l'apprentissage du français".

Car la formation linguistique prévue pour les réfugiés et les immigrés obtenant un titre de séjour pèche en France de multiples côtés, que le rapport détaille longuement.

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Le volume, d'abord: limité à 200 heures, c'est "trop court", notamment pour les étrangers n'ayant aucune notion de français - le rapport propose de porter ce volume à 600 heures maximum.

Le niveau, ensuite: même s'il a été relevé, il équivaut à celui d'un "élève d'école primaire" et il n'est acquis "que par la moitié des bénéficiaires du parcours". Et ce, dans des classes où les niveaux peuvent être très hétérogènes.

"Certains, au terme de la formation, ne savent dire que bonjour", s'insurge Roger Karoutchi. D'autant que le mode d'évaluation n'encourage par la motivation, selon lui.

En effet l'échec du candidat à atteindre le niveau requis "ne fait pas obstacle à l'obtention" d'un titre de séjour, le principal étant "son assiduité" et "la réalisation d'un progrès, même minime", assure le rapport, qui propose de conditionner la délivrance des titres à "l'obtention du niveau de langue requis".

"Comme une non-chose"

Le rapport se montre également sévère avec le volet "civique" du parcours, qui "consiste en un survol dense et académique de l'histoire et des valeurs françaises, sur la base d’une présentation atteignant quasiment cent pages".

"Vous passez 30 diapos qui balaient 2.000 ans d'histoire à des gens qui ne comprennent pas le français. C'est grotesque", vitupère Roger Karoutchi.

Né d'une réforme conçue avant la crise migratoire, le CIR a mobilisé l'an dernier 38,5 millions d'euros pour son volet linguistique. Des moyens insuffisants, juge-t-on aussi sur le terrain.

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"L'offre de formation de français ne couvre absolument pas la demande constante et croissante", estime Judith Aquien, qui a lancé il y a deux ans l'école diplômante "Thot" pour réfugiés et demandeurs d'asile. La 4e session a attiré 450 candidats en août, pour 65 places seulement.

Du côté de l'Ofii (Office français de l'immigration et de l'intégration) chargée du CIR, on souligne que la réforme a permis de former plus de gens, dans un contexte où les arrivants comptent moins de francophones qu'auparavant. "Pour eux c'est beaucoup plus difficile", reconnaît Didier Leschi, le directeur général de l'Ofii.

L'enjeu est de taille: ne pas intégrer, c'est courir le risque "que les gens ne soient pas sociabilisés et se marginalisent. Pour la société française, cela coûterait beaucoup plus cher au bout du compte", souligne le rapporteur.

L'OCDE aussi avait martelé la priorité à donner à l'intégration dans son dernier rapport annuel sur les migrations.

De cette nécessité, nul n'est plus conscient que les nouveaux arrivants, assure Judith Aquien. Lors de la dure sélection de ses élèves en août, raconte-t-elle à l'AFP, l'un des candidats avait ainsi formulé sa motivation: "Si jamais je ne parle pas la langue du pays, je me considère comme une non-chose dans la société".

Par Claire Gallen

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