Paris - En acceptant finalement de livrer des chars lourds allemands et américains à Kiev au grand dam de Moscou, le camp occidental franchit un cap symbolique dans son soutien à l'Ukraine, qui bénéficiera d'un armement susceptible de l'aider à percer les lignes russes.

 

- Un nouveau tabou saute -

Pressée par Kiev d'envoyer des chars d'assaut Leopard 2, réputés être parmi les meilleurs du monde, l'Allemagne a fini par céder le 25 janvier en promettant 14 exemplaires à l'Ukraine, ouvrant la voie à d'autres livraisons similaires par plusieurs pays européens qui en sont dotés.

La Norvège a indiqué en envoyer un nombre non précisé d'exemplaires et l'Espagne s'est dite "disposée" à en fournir aussi.

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"Du don de 5.000 casques lourds à l'envoi de Leopard en Ukraine: en moins d'un an l'Allemagne a déconstruit sept décennies de politique pacifiste. Peut-être avec réticence, mais cela constitue un tournant majeur en soi", commente sur Twitter Bruno Lete, du centre de réflexion américain German Marshall Fund.

Avant Berlin, Londres avait déjà promis une douzaine de chars Challenger 2. Paris et Washington avaient annoncé la livraisons de blindés de reconnaissance et d'infanterie.

Ce front uni derrière Kiev sonne comme un nouveau camouflet pour les Russes, qui misent depuis le début du conflit sur un essoufflement du soutien occidental.

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Manifestation à Tbilissi devant l'ambassade d'Allemagne en Géorige pour l'envoi de chars allemands Leopard 2 en Ukraine, le 25 janvier 2023
AFP/Vano Shlamov

Avec cette nouvelle montée en gamme du matériel livré à Kiev, les Occidentaux prennent de nouveau le risque d'être accusés de "co-belligérance" par Moscou. Mais de fait, depuis le début de la guerre en Ukraine, plusieurs tabous sont déjà tombés.

"Les obusiers et lance-roquettes multiples fournis en 2022 étaient des équipements aussi sérieux, voire plus sérieux que les chars de combat, car l'artillerie est plus puissante", souligne l'analyste militaire ukrainien Mykola Bielieskov.

De même, après bien des réticences par peur de l'escalade, Washington a récemment fini par accepter de livrer à Kiev son système de missile sol-air moyenne portée Patriot, considéré comme l'un des meilleurs dispositifs de défense antiaérienne des armées occidentales.

Et Washington a annoncé la livraison de 31 chars Abrams pour aider l'Ukraine "à mieux se défendre". Une décision qui n'est pas une "menace offensive contre la Russie", a insisté le président américain Joe Biden.

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- Comment va réagir Moscou ? -

L'ambassadeur russe en Allemagne Sergueï Netchaev a dénoncé  une décision "extrêmement dangereuse" de Berlin, "qui va amener le conflit vers un nouveau niveau de confrontation".

"Notre appréciation est qu'aujourd'hui (les chars) ne sont pas des outils escalatoires, compte tenu de leur utilisation probable par les Ukrainiens" sur leur territoire seulement, et pas au-delà, réagit-on de source gouvernementale européenne.

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Des soldats ukrainiens à bord de véhicules de combat d'infanterie BMP-2 sur une route gelée dans la région de Donetsk, le 30 janvier 2023
AFP/Yasuyoshi Chiba

En réaction, Moscou pourrait déployer pour la première fois son char de combat T-14 de nouvelle génération sur le champ de bataille, mais "seuls une vingtaine d'entre eux sont déjà fabriqués", fait valoir Andras Racz, du Conseil allemand des relations internationales.

Ainsi, "à défaut d'une réponse militaire symétrique, on peut s'attendre à une offensive informationnelle accrue de la part de la Russie, qui pourrait aussi être incitée à lancer une seconde vague de mobilisation".

Toutefois, estime l'expert, "les Russes savent bien que quelques dizaines de chars occidentaux ne vont pas changer la face de la guerre. Je ne m'attends donc pas à une escalade immédiate de la part de Moscou", prédit-il.

- Un atout pour Kiev -

Kiev réclame depuis décembre quelque 300 chars aux Occidentaux pour lancer des contre-offensives, alors que le front est relativement stable depuis des mois et que l'arrivée prochaine du printemps fait craindre la lancement d'une vaste opération russe dans le Donbass (est).

Les chars et blindés pourraient permettre aux forces ukrainiennes de regagner du mouvement, dans l'espoir de percer les lignes de défense russes avec l'appui de l'artillerie et de sortir de la guerre de tranchées qui se joue dans l'est du pays.

"Les chars de combat font partie intégrante de la guerre interarmes depuis la Seconde guerre mondiale. Aucune opération défensive ou offensive n'est possible sans un arsenal de chars d'assaut", souligne l'expert ukrainien Mykola Bielieskov.

Toutefois, les chars ne constituent pas à eux seuls la solution miracle.

"C'est seulement employés de concert avec l'infanterie mécanisée, l'artillerie, la défense aérienne, les missiles, que les chars peuvent apporter des résultats", prévient-il.

Par Daphné Benoît

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