Varsovie - Inquiets du renforcement militaire russe à la frontière ukrainienne, les pays de l'Europe de l'Est appréhendent aussi une éventuelle entente entre les grandes puissances qui pourrait rappeler de sombres périodes de l'histoire.

Pour les pays autrefois soumis à l'autorité de Moscou, les commentaires du président américain Joe Biden, la semaine dernière, sur la recherche d'un éventuel "arrangement" entre la Russie et les grandes puissances de l'Otan, ont eu un effet refroidissant.

Il s'agissait d'un "dérapage significatif et important" qui "a envoyé des messages très contradictoires à la Russie", a déclaré à l'AFP Michal Baranowski, directeur du bureau du German Marshall Fund à Varsovie.

Depuis, la Maison Blanche est revenue sur ses propos et a insisté sur la nécessité de rester unis, alors que Kremlin a énuméré ses exigences, notamment la garantie que l'Ukraine ne rejoindra pas l’Alliance, et le retrait des armes de l'Otan des pays limitrophes de la Russie.

Pour M. Baranowski, s'incliner devant les demandes russes est impensable.

"Vous avez zéro garanties que la Russie tienne sa promesse de ne pas aller plus loin dans l'escalade (...) C'est de ce genre de raisonnement que sont faites les grandes guerres en Europe", a-t-il souligné.

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- 'Une sorte d'arrangement' -

Pour Marcin Zaborowski, directeur politique du groupe de réflexion Globsec, "une certaine forme d'arrangement face aux demandes russes" pourrait avoir lieu, notamment sur la présence de l'Otan dans la région et les ventes d'armes à l'Ukraine.

Après l'appel de M. Biden au président russe Vladimir Poutine la semaine dernière, plusieurs pays du flanc oriental de l'Otan ont exprimé leur inquiétude.

Jakub Kumoch, conseiller du président polonais Andrzej Duda, a déclaré que tous les membres de l'Alliance devraient être impliqués dans la diplomatie sur l'Ukraine - et pas seulement "un groupe restreint".

"C'est ce que la Russie apprécierait beaucoup - une division de l'Alliance", a-t-il déclaré.

La ministre estonienne des Affaires étrangères, Eva-Maria Liimets, a estimé que toute concession "ne ferait qu'entraîner de nouvelles pressions", tandis que son homologue letton, Edgars Rinkevics, a déclaré que "la création de 'sphères d'influence' est impossible dans le monde d'aujourd'hui".

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- Pas 'derrière notre dos'-

Les souvenirs des effets destructeurs de la rivalité des grandes puissances aux 19e et 20e siècles restent encore forts dans une région où la Deuxième guerre mondiale a commencé.

Selon M. Baranowski, il est impensable de revenir à une époque où les pays situés entre l'Europe occidentale et la Russie étaient traités comme "quelque chose sur quoi il fallait s'entendre" plutôt que comme des parties prenantes.

M. Biden a cherché à calmer le jeu la semaine dernière en s'entretenant avec le président ukrainien Volodymyr Zelenski et avec neuf membres orientaux de l'Otan.

Selon Asta Skaisgiryte, conseillère du président lituanien Gitanas Nauseda, M. Biden a souligné que "rien ne serait discuté derrière notre dos" et que "des éléments d'assurance supplémentaires pour ces pays (de l'Est) de l'Otan étaient possibles, notamment des capacités supplémentaires".

MM. Nauseda et Duda, qui ont tous deux souligné la nécessité pour l'Otan de renforcer sa présence dans leurs pays, rencontreront M. Zelensky en Ukraine la semaine prochaine.

Entre-temps, le président russe a appelé à des discussions "immédiates" avec les États-Unis et l'Otan sur les garanties de sécurité et présenté ses propositions à un haut diplomate américain en visite à Moscou cette semaine.

La Russie s'inquiète depuis longtemps de l'expansion de l'Otan vers l'Est et a accusé l'Ukraine de violer un accord de cessez-le-feu avec les séparatistes pro-russes dans l'Est de l'Ukraine.

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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (g) et le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, le 16 décembre 2021 à Bruxelles
AFP/John Thys

M. Poutine a aussi accusé l'Occident de provoquer des tensions en mer Noire, dénonçant les exercices militaires menés par les États-Unis dans cette région.

Malgré les divergences sur la réponse à adresser à la Russie, Wojciech Przybylski, rédacteur en chef de Visegrad Insight, estime qu'il y a "une similarité croissante dans la perception de la menace" entre les membres de l'UE et de l'Otan.

En fin de comptes, la rhétorique actuelle de la Russie pourrait s'avérer "contre-productive" pour elle-même, selon M. Przybylski, et pousser par exemple l'Ukraine à faire une demande plus affirmée d'adhésion à l'Otan.

Il a averti cependant que la situation était susceptible de perdurer puisque la Russie "obtient une attention qu'elle n'a pas eue par le passé".

Par Dario Thuburn

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