Paris - "Nous n'avons pas été obligés de baisser notre production": malgré la crise énergétique et la flambée des prix, l'emblématique brasserie allemande Veltins, à Grevenstein dans l'ouest de l'Allemagne, a jusque-là évité le pire cet hiver.

Mais sans gaz russe ou presque, une nouvelle année d'incertitudes commence, comme partout en Europe.

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Une ligne de production de la brasserie Veltins, le 9 mai 2022 à Grevenstein, dans l'ouest de l'Allemagne
AFP/Ina Fassbender

Pour s'en sortir, la brasserie s'est adaptée: bouteilles réutilisables, investissement de 30 millions d'euros pour constituer "une réserve de matières premières" et conversion partielle de son four à gaz, explique à l'AFP un porte-parole de cette entreprise implantée près de Dortmund.

Avec la guerre en Ukraine et la fermeture progressive des gazoducs russes vers l'Europe, les cours du gaz se sont envolés comme les coûts de production de l'industrie, nerf de la croissance allemande, alimentant les craintes d'une crise économique majeure.

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Mais la première économie européenne a évité jusqu'ici un tel scénario, à grand coup d'aides publiques et d'importantes économies d'énergie, doublées d'efforts pour se passer du gaz de Moscou, abondant et abordable, dont elle dépendait à 55% avant le conflit.

Pour remplir les réserves hivernales, l'Allemagne et ses voisins européens se sont arraché des cargaisons de gaz naturel liquéfié (GNL) du Qatar ou des Etats-Unis, bien plus cher, convoyées par bateau jusqu'à des terminaux portuaires: les importations GNL en Europe ont bondi de 60% en 2022 par rapport à 2021, selon le groupe de réflexion IEEFA (Institute for Energy Economics and Financial Analysis).

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Le bateau FSRU (unité flottante de stockage et de regazéification) "Neptune", au terminal de gaz naturel liquéfié (GNL) "Deutsche Ostsee" du port de Lubmin, le 14 janvier 2023 en Allemagne
AFP/John MacDougall

Grâce à cette stratégie, "les pires scénarios pour l'hiver 2022/2023", qui prédisaient coupures et pénuries, "ne se sont pas produits", constate Fabian Skarboe Ronningen, analyste au cabinet de veille sur l'énergie Rystad Energy.

Les stocks européens de gaz sont encore bien remplis, à 72%, deux fois plus qu'en janvier 2022. Avec des températures douces cet automne, les Européens ont décalé l'allumage du chauffage, de quoi économiser les réserves.

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Et ils ont fait de gros efforts, par solidarité ou contraints par les prix, en baissant fortement leur consommation d'énergie.

En gaz naturel, la demande a reculé de 12% en 2022 par rapport à la moyenne de la période 2019-2021, estime le centre de réflexion Bruegel à Bruxelles. "C'est absolument extraordinaire", commente le chercheur Simone Tagliapietra.

En outre, le redémarrage progressif depuis fin 2022 de nombreux réacteurs nucléaires français arrêtés redonne désormais du baume au système électrique du Vieux continent, très dépendant de la France.

- "Course au gaz" ? -

Signe de cette détente, les cours de l'énergie dégringolent depuis décembre: après avoir dépassé 300 euros le mégawattheure à son record d'août, le prix de référence du gaz naturel sur le marché européen évolue actuellement autour de 55 euros/MWh - soit toujours plus du double d'avant la pandémie de Covid-19.

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Mais cette baisse ne se traduit pas encore sur les factures, car les énergéticiens achètent le gaz ou l'électricité sur les marchés à terme, plusieurs mois à l'avance. Au contraire, les factures continuent de grimper, même atténuées par des boucliers tarifaires en France ou par un plafond en Grande-Bretagne, où l'inflation atteignait 10,5% en décembre.

"Chaque mois sera une lutte", confie à l'AFP Dora Jesus, une femme de 42 ans percevant les minimas sociaux, croisée devant un magasin discount à Londres. Sa facture hivernale d'énergie est normalement de 82 livres par mois, elle dépasse maintenant les 100 livres.

Certains analystes estiment qu'il faudra des années pour retrouver des prix plus abordables.

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Des réservoirs de stockage au terminal de gaz naturel liquéfié (GNL) du port de Barcelone, le 15 décembre 2022
AFP/Josep Lago

En attendant, "tous les yeux sont déjà tournés sur l'hiver 2023/2024", où il ne faudra pas compter sur les gazoducs russes, souligne Fabian Skarboe Ronningen.

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L'Europe va devoir encore "plus se reposer sur le GNL en 2023", or "la compétition pourrait devenir plus rude entre l'Europe et l'Asie", anticipe l'analyste. "Le pire sera peut-être à venir", si la demande asiatique de GNL rebondit combinée à un "hiver 2023/2024 froid".

L'Europe est certes "dans une meilleure position" qu'en 2022, quand il a fallu substituer le gaz russe en urgence, souligne Simone Tagliapietra. Mais les efforts ne sont pas terminés: "il faut continuer autant que possible à réduire la demande" en énergie et "développer les renouvelables".

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Pour remplir les stocks de l'hiver prochain, l'Europe devra aussi se concerter "pour éviter la course au gaz", selon le chercheur: "Plus on se coordonne, plus on économise de l'argent".

Par Nathalie Alonso avec les bureaux de Berlin et de Londres

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