Bruxelles - L'Allemagne est prête à les accueillir, les pays baltes y sont hostiles: le sort des Russes fuyant la mobilisation militaire divise l'Union européenne, prise entre la volonté de soutenir les opposants à Vladimir Poutine et les craintes pour la sécurité du bloc.

A Bruxelles, la Commission européenne "suit très attentivement la situation" et mène des consultations avec les Etats membres, a indiqué le 23 septembre son porte-parole, Eric Mamer. "C'est une question délicate", a-t-il reconnu.

Une réunion d'urgence des ambassadeurs des 27 est prévue le 26 septembre  à Bruxelles.

L'exécutif européen n'a pas donné de chiffre sur l'ampleur des arrivées de Russes dans l'UE à la suite de l'ordre de "mobilisation partielle" sur le front ukrainien annoncé mercredi par Vladimir Poutine.

A la frontière finlandaise, le nombre d'entrées de citoyens russes a doublé depuis cette annonce (6.470 jeudi contre 3.100 en début de semaine) mais reste à un niveau limité, selon les garde-frontières.

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Des personnes se dirigent vers la zone de contrôle des passeports, au poste-frontière de Vaalima, entre la Russie et la Finlande
AFP/Alessandro Rampazzo

Si la gestion des frontières nationales est une compétence des Etats membres, le droit européen garantit un accès au droit d'asile.

Mais l'obtention d'une protection n'est pas automatique, elle fait l'objet d'un examen au cas par cas, rappelle la Commission, soulignant que la situation est "sans précédent" et les "risques en matière de sécurité" doivent aussi être pris en compte.

Un danger auquel sont particulièrement sensibles les pays frontaliers de la Russie. Les Etats baltes et la Pologne avaient déjà restreint l'entrée des citoyens russes sur leur sol de façon plus drastique qu'ailleurs dans l'UE. La Finlande a, elle aussi, annoncé vendredi qu'elle allait limiter "significativement" l'accès des Russes à son territoire en refusant ceux qui disposent de visas de tourisme d'un pays européen de l'espace Schengen.

- "Permettre des contacts" -

"Beaucoup de Russes qui sont en train de fuir la Russie à cause de la mobilisation étaient d'accord avec le fait de tuer des Ukrainiens (...) il ne faut pas les considérer comme des objecteurs de conscience", a dénoncé le 22 septembre le ministre letton des Affaires étrangères Edgars Rinkēvičs sur Twitter.

"Il y a des risques considérables pour la sécurité à les accueillir et il y a des tas de pays où aller en dehors de l'UE", a-t-il ajouté.

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Des automobilistes entrent en Finlande après avoir passé le poste-fontière de Vaalimaa avec la Russie
AFP/Alessandro Rampazzo

Le ministre lituanien de la défense Arvydas Anusauskas a estimé que "la conscription n'était pas un motif suffisant" pour avoir l'asile politique. Mais "s'il y avait en même temps des actes de persécution, nous l'envisagerions", a-t-il précisé, ajoutant n'avoir pas constaté beaucoup de Russes à la frontière avec son pays, à la différence de "la Turquie et la Géorgie".

L'Estonie refuse aussi d'"offrir une protection aux déserteurs". "Ce serait fondamentalement contradictoire avec le but de nos sanctions jusqu'à présent, qui (visent) la responsabilité collective des citoyens russes", a déclaré le 21 septembre le ministre de l'Intérieur Lauri Laanemets, selon l'agence de presse BNS.

La République tchèque est sur la même ligne: elle ne leur délivrera pas de visa humanitaire.

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Une affiche géante fait la promotion du service militaire avec le slogan "Servir la Russie est un vrai travail", le 20 septembre 2022 à Saint-Pétersbourg
AFP/Olga Maltseva

La ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna a en revanche estimé qu'il fallait "répondre au désir d'une grande partie de la population russe d'exprimer ses opinions et parfois de quitter la Russie pour venir sur le reste du continent".

"Nous voulons sanctionner les oligarques, nous voulons sanctionner ceux qui soutiennent l'effort de guerre (...) mais il est nécessaire de permettre des contacts avec les citoyens russes", a-t-elle déclaré lors d'une conférence de presse de fin d'Assemblée générale de l'ONU à New York.

De même, Berlin a souligné "qu'une voie devait rester ouverte aux Russes pour venir en Europe et en Allemagne". "D'autres pays comme les pays baltes ou la Finlande ont réagi différemment pour des raisons nationales compréhensibles", a commenté Steffen Hebestreit, porte-parole du chancelier Olaf Scholz.

La ministre allemande de l'Intérieur Nancy Faeser avait aussi indiqué que "celui qui s'oppose courageusement à Poutine et se met ainsi en grand danger peut demander l'asile politique", dans un entretien au journal Frankfurter Allgemeine Zeitung.

L'ambassadeur d'Ukraine en Allemagne Andriï Melnyk a fustigé une "mauvaise approche", estimant sur Twitter que "les jeunes Russes qui ne veulent pas faire la guerre doivent enfin renverser Poutine".

Pari Anne-Laure Mondésert

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